Modigliani/Zadkine au musée Zadkine

Modigliani/Zadkine au musée Zadkine
Affiche de l'exposition "Modigliani / Zadkine, Une amitié interrompue" au musée Zadkine.
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Le temps passe mais le lieu reste. Un siècle s’est écoulé depuis la période mouvementée et féconde des années 1910 et 1920 pendant laquelle les artistes Amedeo Modigliani et Ossip Zadkine se fréquentaient. Aujourd’hui, le quartier Montparnasse, à Paris, continue d’abriter leurs œuvres. En effet, le musée dédié au sculpteur d’origine russe présente, depuis le 14 novembre 2024 et jusqu’au 30 mars 2025, une exposition consacrée à l’amitié interrompue de ces deux créateurs par le décès prématuré du peintre italien à 35 ans.

Amedeo Modigliani découvre Montparnasse, à la fin des années 1900. Il trouve, aux côtés de Constantin Brancusi, un atelier dans la cité Falguière, elle-même située aux abords du quartier parisien. À cette époque, cette zone du 14e arrondissement s’apprête à prendre le pas sur Montmartre, qui, sur l’autre rive de la Seine, est alors le centre artistique de Paris.

Pour sa part, à ce moment, le sculpteur russe est installé dans un atelier de La Ruche, célèbre lieu de l’art au XXe siècle à Paris, situé dans le 15e arrondissement près de Montparnasse. Dès son arrivée dans la capitale, Zadkine a posé ses bagages dans ce quartier et y est resté fidèle toute sa vie. La présence d’un musée à son nom ici s’explique ainsi.

Les deux artistes ont donc travaillé dans des lieux proches. Pour témoigner du travail des deux artistes dans ce quartier rive gauche, le musée présente notamment des têtes sculptées par Modigliani dans les années 1910 et un cliché anonyme daté de 1912, issu de ses collections, montrant Zadkine dans son lieu de travail, en compagnie de deux visiteurs dont le peintre Foujita.

L’accrochage raconte l’amitié des deux hommes, démarrée en 1913, aux portes du jardin du Luxembourg, dans la capitale. Avant la Première Guerre mondiale, les deux artistes évoluent alors vers le cubisme sous l’influence de différentes rencontres primordiales, comme celle avec Pablo Picasso, habitant lui-même le quartier Montparnasse, rue Schoelcher. Zadkine et Modigliani partagent alors des « cercles de sociabilité communs » et des « affinités électives », comme le souligne Cécilie Champy-Vinas, commissaire de l’exposition et directrice du musée.

Mais la professionnelle ne s’arrête pas à la simple description historique du lien entre ces deux hommes : elle s’attache aussi à observer leur partage créatif. « Modigliani influence Zadkine, mais l’inverse est vrai aussi, relève ainsi Champy-Vinas. Je trouve des recoupements dans leur goût de la taille directe, dans leur façon de sculpter les visages, etc. » À ses yeux, la Femme au ruban de velours (vers 1915) de l’Italien et la Tête de femme (1927) du sculpteur peuvent se comparer de la sorte.

Le lien entre les deux se distend cependant lors de leur départ de Paris, en 1918. Modigliani part dans le Sud avec sa compagne Jeanne Hébuterne et Zadkine se réfugie dans le Quercy. Ils se recroisent dans la capitale au printemps 1919 mais leur complicité ne revient pas et l’Italien décède en 1920. Il est alors nommé « prince de Montparnasse » par les critiques. Malgré la distance d’alors entre les deux, Champy-Vinas note la poursuite du dialogue artistique : « Zadkine restera influencé par Modigliani au moins jusqu’aux années 1920 et 1930. »

Au-delà de l’étude de ces échanges créatifs, l’exposition fait intervenir l’art contemporain en son sein, grâce au deuxième commissaire, Thierry Dufrêne, professeur à l’université Paris-Nanterre. En effet, Ange Leccia livre ici Zadkine-Modigliani, une vidéo d’environ huit minutes datée de 2024. Par son geste, il permet ainsi à ses deux illustres prédécesseurs de continuer leur dialogue. Les artistes Giuseppe Penone et Ivan Messac participent aussi à ce mouvement actuel en signant des textes. Dehors, Montparnasse vibre encore.