Souvenirs d’Oh à la galerie 22,48 m²

Souvenirs d’Oh à la galerie 22,48 m²
Jérôme Boccia, Souvenir d'eau, 2023, peinture à l’acrylique sur papier contrecollé sur bois, 19 x 29 cm. (détail) (c) galerie 22,48 m²
À voir

Après l’exposition Hylésthésie dédiée à l’univers de Cécile Beau, la galerie 22,48 m² poursuit sa ligne curatoriale mêlant approche contemplative et thème de la nature en présentant, à partir de dimanche, des peintures inspirées par les mouvements de l’eau de Jérôme Boccia. En montrant les dernières œuvres de cet artiste sorti des Beaux-Arts de Liège en 2023, elle reste fidèle à sa mission de présenter des artistes émergents et nous offre un aperçu du rapport à la nature de la jeune génération.

Quel est celui de Boccia ? Arrêtons-nous tout d’abord sur le titre de ce solo show, « Souvenirs d’Oh ! », soit un sujet (l’eau) transformé en une interjection, un thème qui se mue en une relation au motif sous le mode de la surprise et de l’émerveillement. Et c’est en effet ce plaisir pris à la vue des scintillements de l’eau plus que le réalisme de ses ondulations que l’artiste a cherché à traduire. L’esthétique, à la limite de l’abstraction, des œuvres choisies le prouve car, au-delà du titre de l’exposition, il faut bien sûr regarder les peintures.

De petits formats, elles induisent une relation intime confirmée par la couleur dominante des tableaux. Se déployant de l’indigo au turquoise, d’un bleu quasiment violet à un bleu presque vert, la teinte, dont Michel Pastoureau nous dit qu’elle est la couleur préférée des Occidentaux quels que soient leur sexe, leur origine sociale, leur profession ou leur bagage culturel, domine.

Cette couleur familière, quotidienne, associée aux formats modestes, charrie une impression d’humilité qui se retrouve aussi dans les supports choisis : de simples feuilles de papier Canson contrecollées, dans un second temps, sur bois. À l’heure de la redécouverte de l’Arte Povera, doit-on voir dans la simplicité de ces supports les origines italiennes de Boccia et ses premières années d’études aux Beaux-Arts de Venise ? Peut-être. La fragilité du papier s’accorde en tout cas à l’ambition de l’artiste fixant sur ce médium léger ses souvenirs fugaces et sans doute imprécis.

Car, il faut le préciser, Boccia, s’il porte au quotidien une attention soutenue à son environnement, regardant les éléments les plus remarquables mais s’attachant surtout à examiner les plus discrets, peint uniquement de mémoire. Ainsi, se mêlent dans ses compositions la réminiscence d’un courant (fort ou léger), la souvenance de bulles d’air (petites ou grosses) et le souvenir d’une tonalité (trouble ou transparente), provenant de différents pans de sa mémoire.

Nés de l’expérience, ces paysages peints n’en sont donc pas moins imaginaires et c’est finalement cette pratique de la contemplation plus qu’un simulacre de nature qu’ils nous montrent. Comme l’artiste devant cet élément ne possédant pas de limites permettant de l’embrasser d’un seul regard, le spectateur doit prendre le temps d’observer les œuvres pour voir derrière le coup de pinceau le vent soufflant sur l’eau, sous les taches de térébenthine la présence d’une faune marine, ou à travers le bleu mêlé de gris une journée sans soleil. C’est seulement à l’issue de cette attention soutenue qu’il pourra peut-être se dire « Oh ! ».

L’exposition est à découvrir jusqu’au 6 avril 2025 à Romainville.