Le Consortium de Dijon réitère son engagement en faveur de l’abstraction. Après l’exposition Abstraction (re)creation – 20 under 40 en l’honneur de jeunes abstraits pendant l’année 2024, le centre d’art propose un nouveau show collectif pour l’année 2025. Celui-ci est consacré à la génération de plasticiens dont les productions ont rayonné dans la deuxième moitié du XXe tout en franchissant le seuil du XXIe.
De l’Europe de l’Est aux États-Unis en passant par l’Europe occidentale, sont ainsi réunies une sélection de peintures, sculptures, installations thésaurisées au fil du temps par une institution au choix rigoureux.
Curatée en interne par l’équipe du musée, l’exposition « I Walk the Line » se caractérise avant tout par la sobriété de la mise en scène des œuvres présentées.
Les 11 artistes sollicités jouent chacun leur partition dans une discrète harmonie. Les œuvres en noir et blanc, à la suite de Julije Knifer, dominent. Le gris les accompagne sur tout un mur et certaines couleurs, taches discrètes, ponctuent l’ensemble. Il s’agit, sinon d’un choix délibéré au moment de l’achat, d’un parti pris de présentation. La structure aux motifs géométriques argentés est de Jim Isermann, artiste qui ne dédaigne pas les couleurs vives. Les évocations du drapeau américain, aux lanières rouge foncé, sont d’Amy O’Neill, artiste dont Le Consortium détient des œuvres plus offensives comme Post-Prom, 1999-1997. Même le mur orange d’Olivier Mosset (Rolodex, 1990) paraît discret avec sa tonalité diluée par la proximité de la structure en plexiglas de Liam Gillick.
En effet, la matérialité des œuvres joue aussi son rôle dans la volonté d’un rendu sans faste. Le volume aplani dans les tableaux découpés de Jos Van Roij se retrouve dans les toiles extrêmement fines de Duje Jurić présentées sans cadre. Quant à Nancy Rubins, elle est convoquée ici, non pas à travers ses sculptures monumentales composées de débris d’avion, de canoës ou autres imposants objets mis au rebut, mais à travers un délicat travail de préparation, collages apposés sur trois photographies de la bâtisse, couleur brique, de la galerie berlinoise Sammlung Hoffmann.
La retenue chromatique ou volumique n’est cependant pas une invitation à l’effacement. La vie traverse l’exposition. L’espace dédié à la présentation de la collection est d’un seul tenant et les œuvres les plus légères se répondent sans contrainte à travers l’espace. L’entassement de papiers blancs de Reiner Ruthenbeck rejoint ainsi les bois peints de la même couleur de l’installation Set déposée à l’autre extrémité de la pièce. Les œuvres en néon de Peter Downsbrough et de Stephen Antonakos, simples tracés lumineux, semblent correspondre à distance.
Dans la radicalité assumée, très conforme à l’esprit des abstraits, l’ensemble des œuvres présentées témoigne d’une présence qui se suffit à elle-même. Sans apprêt, sans tapage, les artistes déroulent leurs propos, qu’ils concernent l’art ou le monde. Ces propos peuvent ne pas être tous compris par le regardeur mais l’exposition dans son ensemble prouve a minima que « I Walk the Line » est une posture humaine disponible pour tout créateur.
Le titre de l’exposition est admirablement synthétique. Pour les artistes abstraits, la ligne est non seulement un motif à investir mais c’est aussi le courant artistique auquel ils sont rattachés. La référence au « je file droit » de la chanson de Johnny Cash, chanteur américain de country (1956), rappelle par sa connotation morale que le travail des abstraits, nourri par leur époque, se développe sur une ligne de crête exigeante entre les potentialités que celle-ci leur offre et la volonté de ne pas s’y engloutir.
Cette belle exposition est à découvrir jusqu’au 07 septembre 2025.