Évoquons aujourd’hui un petit livre sur Frida Khalo, peintre parfois considérée, malgré elle, comme surréaliste.
L’écrit de Claire Berest, Grand Prix des lectrices ELLE en 2020 et publié dans Le Livre de Poche en février 2024, romance la vie d’une femme exceptionnelle. Insérée dans une histoire sociale chaotique, fragilisée par la maladie puis par un accident, Frida se lie, pour son malheur comme elle le suggère elle-même, à l’un des plus célèbres muralistes mexicains : Diego Rivera.
C’est à travers un parcours biographique que l’autrice tente de rendre compte d’une résilience extraordinaire.
Trois couleurs (bleu, rouge, jaune) scandent les grandes périodes de la vie de Frida, et chacune d’elles est déclinée dans ses nuances (jaune sable, jaune soleil…) assorties d’un sous-titre en italique, extraits de ses écrits ou de ceux de Diego Rivera. « Rouge sang » est ainsi rattaché au sous-titre Rouge organique aux soupçons bleutés. Le noir clôture le livre mais Frida n’est plus là.
Claire Berest se glisse dans les interstices ouverts par cette vie complexe et privilégie ceux de l’amour passion. L’accident de Frida la prive de son premier petit ami mais elle rencontre Diego. La douleur physique et morale liée à de nombreuses opérations accompagne cette relation. Par exemple, contrainte à des avortements thérapeutiques, Frida ne pourra pas avoir d’enfant de l’homme qu’elle aime. La politique aussi est un ciment du couple. Diego est communiste, Frida le devient. Lorsqu’il quitte le parti, elle le suit. Enfin, mexicaine affirmée, ses choix vestimentaires deviennent parure de séduction pour son héros. Diego est « l’éléphant », [le] pilier du récit autour duquel virevolte Frida « la colombe » qui souvent se heurte à l’édifice.
Il est grand, il est gros, il est reconnu. Mari de Frida, il est volage mais apprécie son épouse pour ce qu’elle est, femme surprenante de force et faiblesse mêlées, tout comme il aime ses peintures et son élégance mexicaine.
Frida vit dans un corps brisé et déborde d’amour pour Diego. Être sa femme est son identité revendiquée. Elle sait peindre, mais être peintre n’est pas une vocation. Face à son mari reconnu comme un des plus grands artistes sud-américains de son temps, l’activité de Frida fait figure d’occupation. Au début de leur mariage, elle attend patiemment Diego en réalisant de petits tableaux comme d’autres femmes de son temps faisaient de la dentelle. Quand tout va mal dans leur relation, si elle ne prend pas d’amants ou d’amantes pour mieux comprendre ce que ressent Diego, ses toiles exorcisent sa douleur. Quand elle atteint la gloire, son plaisir dépend de ses relations avec Diego. Éloignée de lui, elle déteste les surréalistes et se moque de son succès parisien.
Les chapitres du livre sont très courts, de deux à trois pages ; celui qui relate la relation de Diego avec la sœur préférée de l’héroïne se limite même à une seule page composée de trois lignes. Le style est alerte et de nombreuses informations biographiques sont données. En ce qui concerne la production artistique de Khalo, l’écrivaine nous présente de façon réussie quelques tableaux qui servent son propos. Elle précise aussi sa façon de peindre, sa reconnaissance progressive. Elle décrit ses expositions et leur contexte dont celle de Paris proposée par André Breton à la galerie Renou & Colle soutenant Dali.
Frida Kahlo-Diego Rivera, un couple mythique soutenu par l’amour « intranquille » de Frida, mais quel homme pouvait être Diego pour susciter de telles émotions ? Ce livre donne envie d’en savoir plus.
Claire Berest, Rien n’est noir, Le Livre de Poche, 2024, 231 pages.
Ce récit, lu par l’auteur, existe aussi en livre audio chez Audiolib.