Dans deux jours, le 12 décembre, la galerie christian berst art brut inaugurera son exposition de fin d’année. Comme dans beaucoup de galeries parisiennes, cette finale consiste en une exposition collective. Cependant, parce que Christian Berst a pour particularité de ne montrer que de l’art brut, il y aura un certain air de famille entre les pièces présentées dans son espace.
Intitulée Variations d’hiver #1, l’exposition se présente d’ailleurs comme une variation sur ce thème dont elle entend souligner la diversité. Celle des origines des artistes tout d’abord, car si l’on s’en tient à la définition que Jean Dubuffet, inventeur du terme, lui donne, les ouvrages d’art brut ont pour particularité d’être « exécutés par des personnes indemnes de culture artistique [1] ». Pouvant l’être pour des raisons idiosyncrasiques ou sociales, ces profils se rencontrent aux quatre coins du globe. On trouvera ainsi, parmi les artistes dont les œuvres sont montrées dans l’exposition, le Brésilien Raimundo Camilo et l’Uruguayen Alexandre García, entre autres nationalités.
La diversité réside aussi dans les époques auxquelles les artistes appartiennent. L’art brut n’est pas un courant limité dans le temps comme le furent l’impressionnisme, le cubisme ou le dadaïsme. On trouvera donc exposées côte à côte les œuvres de Joaquim Vicens Gironella et de Michał Walczyk. Le premier, né en 1911, fut montré lors des débuts de la Compagnie de l’Art brut dans un local prêté par Gaston Gallimard à partir de 1947. Le second, âgé de tout juste trente ans, a jusqu’à présent surtout exposé en Pologne, son pays d’origine.
Enfin, la diversité est formelle, l’art brut s’appliquant à « des productions de toute espèce – dessins, peintures, broderies, figures modelées ou sculptées » pour emprunter à nouveau les mots de Dubuffet. On trouvera en effet, réunis dans cette exposition de fin d’année, des encres, des pastels comme des assemblages.
Cependant, au-delà de l’ambition affirmée d’effectuer une variation sur le thème de l’art brut, on ne peut s’empêcher de voir, dans le choix des œuvres retenues, une volonté de montrer des œuvres résonnant avec les idées d’improvisations ou de compositions musicales. La musique semble en effet au cœur des œuvres sélectionnées et c’est aussi en ce sens qu’il faut entendre le terme de variations du titre de ce show.
Il y a bien sûr la sculpture de Pascal Tassini qui assemble, à l’aide de multiples chapelets de nœuds en tissus, un tabouret et un pupitre à partitions. Il y a aussi des formes évocatrices de cet univers comme celle perceptible sur le dessin d’Anna Zemánková, une composition abstraite dont se détache une clef de sol. Il y a également les notations de Yuichi Saito ou de Zdenek Košek qui, par sa courbe pour la première et par l’usage de chiffres, de lettres et de symboles pour la seconde, évoquent les partitions graphiques apparues dans les années cinquante chez les compositeurs férus d’improvisation libre (et sans doute n’est-ce pas un hasard si on trouve des images proches chez les plasticiens de l’art brut). Il y a enfin cette très belle pièce de Josef Karl Rädler réalisée à l’institut psychiatrique où il fut interné à l’âge de 49 ans. Cette aquarelle enluminée représente des oiseaux voletant autour d’un réseau de lignes électriques. Associant leur chant à cette portée simplifiée, le spectateur y verra sans doute une allégorie de la musique dans sa plus libre expression.
Présentée dans la galerie principale de l’espace christian berst art brut, l’exposition est à découvrir jusqu’au 18 janvier 2025.
[1] Jean Dubuffet L’Art Brut préféré aux arts culturels, Paris, René Drouin, 1949.