Dans un peu plus d’une semaine, le 6 octobre, l’exposition « Charles Pollock. Un Américain à Paris » ouvrira ses portes. Quatrième exposition personnelle que la galerie etc. consacre au peintre américain, elle se tiendra jusqu’au 30 novembre.
Charles Pollock est né à Denver en 1902 mais il est mort à Paris en 1988, ville qu’il avait adoptée depuis 1971, année où il était venu s’y installer, à l’origine pour un an seulement, avec femme et enfant. Comme l’indique son titre, c’est sur cette période parisienne que se concentrera l’exposition. Plus spécifiquement, elle mettra en valeur, à travers cinq séries qui se sont succédé à cette époque, les œuvres effectuées de 1972 à 1978.
La première, déployée durant l’année 72, se nomme Pastel. On y retrouve d’emblée le vocabulaire abstrait du peintre. Dès 1940 en effet, Pollock abandonne, en même temps que ses illusions politiques, le registre figuratif que lui avait enseigné le peintre réaliste social Thomas Hart Benton dix ans plus tôt. Pas de scènes montrant des ouvriers ou des agriculteurs ici mais des compositions de languettes et de chevrons de couleurs variées semblant se perdre dans un fond vaporeux gris-bleu. Les compositions, occupant indifféremment les parties hautes ou basses de l’espace pictural, laissent une grande place au vide et on ne peut s’empêcher d’y lire une influence de la calligraphie que Pollock a non seulement étudiée mais également enseignée dans les années cinquante – soixante lorsqu’il vivait encore aux États-Unis.
Dès 1973 pourtant, une œuvre de la série Slash présentée dans l’exposition montre que l’artiste, sans aller jusqu’au all-over, investit plus uniformément la surface en juxtaposant des rectangles de différentes couleurs qui émergent d’un fond lumineux.
Les quelques toiles de la série Passim présentent des rectangles plus courts sur des fonds moins lumineux et, de l’année 1974 à l’année 1975 durant lesquelles l’artiste les exécute, le contraste entre les formes et la couleur recouvrant le support devient de plus en plus ténu. Les dernières compositions aux rectangles resserrés, dont certains émergent plus que d’autres, évoquent les compositions en patchworks que Paul Klee réalisait dans les années 1920. Il semble que le maître moderne ait permis à Pollock, qui l’admirait beaucoup, d’apporter une touche de transparence à la pratique Hard Edge qu’il avait développée dans les années soixante. Moins nets, les aplats de plus petites dimensions semblent en suspension dans l’espace de la toile là où précédemment ils la divisaient.
Ce mouvement s’accentue avec les tableaux de la série Trace qui de 1975 à 1977 poursuivent cette pratique entre apparition des formes à travers des motifs qui, pour n’être que des traits peuvent se fondre dans des fonds radicalement distincts par leurs couleurs. Ces traits courant en diagonales de part en part de la surface impliquent un autre changement : plutôt que de traiter chaque motif d’une seule façon (lumineuse ou terne), Pollock applique ses variations à chaque motif. Sans doute influencé par les atmosphères nuageuses de l’impressionnisme, mouvement qui l’intéressait vivement durant ses années parisiennes, il traite ces diagonales comme si elles étaient vues à travers une vitre après la pluie ; elles sont nettes par endroits, troubles à d’autres.
Effectuées en 1978, les quelques œuvres de la série Late, pas la dernière de l’artiste mais la dernière montrée dans l’exposition, sont réalisées dans une palette extrêmement lumineuse. Ces compositions évoquant simultanément un morceau d’étoffe ou un fragment de fenêtre à la Matisse témoignent d’ailleurs, au-delà des influences formelles de plus en plus européennes, d’un réel plaisir pris à la vie en France. Comme le confirme sa fille dans le texte qui accompagne l’exposition, là où les actions américaines, notamment au Vietnam, démoralisaient Pollock, le mode de vie à la française le réconfortait. De la douceur terne des tableaux exécutés à son arrivée à l’éclat de ceux réalisés à l’orée des années 80, sa peinture s’en ressent.