Ce week-end, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine, les Ateliers Vortex de Dijon inaugureront leur nouvel espace avec une exposition d’Antoine Château.
Premier à être montré dans le cadre du cycle &, programmation dédiée à des expositions de jeunes artistes de la région, le peintre présentera une sélection de ses œuvres sur papier. Il montrera une dizaine de pièces parmi les trois cents exécutées sur ce subjectile durant ces dernières années.
Resserré, ce choix permet néanmoins de saisir l’essentiel des enjeux du travail de Château. Présentées à la verticale ou à l’horizontale, ses œuvres sont modestes par la préférence donnée aux feuilles A4 impliquant un moindre coût et un format réduit. Partie intégrante du vocabulaire de l’artiste depuis 2015, ce papier fin, surface par excellence pourrait-on dire, met en évidence la peinture comme texture : diluée ou épaisse, tenant sagement le centre ou débordant l’espace sur un côté, composant avec le vide ou saturant complètement l’étendue.
La matière est depuis longtemps au cœur des multiples expérimentations de l’artiste lequel avait intitulé son exposition de fin d’études à l’École Supérieure d’Art et de Design de Saint-Étienne « Crasse en surface ». Programmatique, ce titre donné dès 2013, réunit épaisseur de la peinture et bidimentionnalité du support pour repenser la question de l’espace. Dense mais sans profondeur trompeuse, celui que nous propose aujourd’hui Château est à l’image des couleurs vives de l’acrylique. Si l’artiste nous offre, pour tout horizon, l’espace pictural dans sa matérialité, c’est parce que ses origines sont joyeuses, inspirées de nombreuses fleurs, de plusieurs animaux et de quelques moments désignés par la place qu’ils occupent dans le cycle naturel, du lever au coucher du soleil. Les titres qui, sous l’omniprésence de la matière colorée, rappellent ces thèmes à la surface, dessinent un univers non dénué de poésie à l’image du nom donné à l’œuvre ouvrant cet article : « Fruits d’Eguisés »
Avec cette exposition personnelle, la deuxième qui lui est consacrée dans la région, l’artiste bénéficie d’une belle visibilité et ce d’autant plus qu’une autre partie de son travail est montrée depuis le 13 septembre à l’Atheneum de Dijon.
Intitulée Primitive Desires, cette seconde exposition met les œuvres de l’artiste en regard de celles de Théophile Sartori, autre peintre installé à Dijon. Elle offre un dialogue fécond puisque les deux plasticiens partagent manifestement une conception de la peinture tournée vers ses propres enjeux, celle d’une partie des artistes d’aujourd’hui. Et à la question « Comment peindre aujourd’hui ? » qui est peut-être aussi celle d’un espace (l’exposition La peinture en apnée présentée aux Bains du Nord en 2017 avait démontré l’existence d’une scène locale tournée vers la peinture), les deux répondent par la nécessité de laisser s’exprimer ce désir ancestral.
Chez Château, ce dernier prend la forme de peintures effectuées sur aggloméré. Sur ces supports rigides mais peu absorbants, la peinture se fait plus épaisse que dans ses œuvres sur papier. Elle sature l’espace et ce d’autant plus que les formats ne sont pas tellement plus grands que celui des feuilles A4. Ce sont des amas de peinture, parfois mêlés de crépis, que nous donne à voir l’artiste qui ici insiste moins sur la surface de son support que sur sa qualité d’objet en trois dimensions. Les tableaux possèdent une tranche que la couleur, en la débordant, souligne.
Chez Sartori aussi, le support et ses qualités plastiques sont mis en évidence. L’artiste présente quelques œuvres d’une série intitulée « peintures sur bois ». Commencée en 2021 elle consiste à appliquer de la peinture sur du bois brut préalablement fendu et assemblé. À l’inverse de son collègue, l’artiste, qui emploie la peinture sous forme aérosol, ne noie pas ses supports sous la matière mais en révèle au contraire toutes les irrégularités. La luminosité de ses couleurs souvent vives incite le spectateur à se déplacer devant les tableaux, l’amenant ainsi à explorer les détails de leurs petites surfaces. À l’Atheneum, il montre aussi quelques œuvres relevant d’un prolongement sculptural de ce travail. Débuté cette année à l’occasion de la 10e Biennale d’art sur le Sentier des Passeurs, il s’agit cette fois de peintures sur bois non pas travaillées par lui mais accidentées par la nature. Sous l’effet de la peinture, ces troncs brisés par le vent dévoilent leurs aspérités et animent autrement la couleur.
Aux empâtements de Château répondent ainsi les couleurs flashy de Sartori car la peinture ne se doit pas d’être aimable. Il ne faudrait pas laisser croire pour autant que les deux artistes se situent uniquement du côté du plaisir de peindre comme bon leur semble. S’ils n’acceptent pas de se laisser brider par la question intimidante du « comment peindre après la disparition de la peinture – et peut-être plus encore, après son retour ? », leurs démarches n’en oublient pas pour autant de raviver cette pratique ancestrale. S’inscrivant avec légèreté dans la tradition, ils ont en commun de lier la vue au support et de lui ajouter, ce faisant, une dimension tactile.
Cette seconde exposition est visible jusqu’au 17 octobre.