Elizabeth & Gérard Garouste. L’art à La Source #2

Elizabeth & Gérard Garouste. L’art à La Source #2
In situ © Ambre Clément
À voir

L’exposition consacrée par la ville de Dinard se déployant sur deux sites, la visite continue.

À la villa Les Roches Brunes, les liens entre Elizabeth et Gérard Garouste paraissent plus explicites.

Dans l’intimité de cette belle demeure, à l’étage du bas, c’est Elizabeth qui semble accompagnée. La première salle est consacrée à ses productions mobilières si particulières. Gérard, grâce à une œuvre en référence à Dante, veille dans le couloir. Néanmoins, la suite de la visite montre l’indissociabilité de leurs productions. Les meubles de fer d’Elizabeth s’accordent dans leur originalité aux sculptures et tableaux autoportraits de « l’Intranquille » Gérard.

Au deuxième étage, cette coopération se poursuit. Le travail de l’un, le travail de l’autre, ponctués par ce que certaines œuvres disent d’eux plus que d’autres, animent le parcours. Face à la mer les miroirs et les oiseaux d’Elizabeth répondent discrètement au Sarcophage ou à l’Indien au bison de Gérard.

Bien entendu, La Source est présente tout au long de l’exposition. Le spectateur la retrouve au travers de grandes encres de Chine réalisées par ses membres, des témoignages photographiques de son existence ou encore une salle d’enchères, rappelant que l’association organise annuellement une vente dont le bénéfice est dédié à ses activités.

Que ce soit au Palais des Arts et du Festival ou à la villa Les Roches Brunes, cette exposition est incontournable. Les meubles d’Elizabeth ne sont plus des meubles qui ont marqué l’époque. Ils deviennent l’expression d’une présence discrète mais profondément attentive auprès de Gérard. Ses lampadaires ou autres éléments de décor dépassent leur apparence exotique liée à des rites revisités. Ils deviennent l’expression d’une affirmation de soi consciente et maîtrisée face à l’autre, si différent. Les dessins enfin, dans le dialogue mis en scène par les commissaires, deviennent adresse à son compagnon, toujours présent. Les productions de l’un, les productions de l’autre ne se chevauchent pas mais résonnent à l’unisson. Elles attestent l’existence d’une relation forte entre un peintre à la recherche impérieuse d’une vérité d’ordre intellectuel et une artiste discrètement expressive, mais elles témoignent aussi d’une relation plastique.

Par leur confrontation dialogique, les œuvres donnent à penser leur force illocutoire. Comme nous l’apprend le livre L’Intranquille, la surprenante charrette peinte par Gérard pour illustrer une scène du Don Quichotte de Cervantes est un manifeste antiesthétique. Les dessins d’Elizabeth se transformant en objets affirment la primauté de l’imaginaire sur la réalité du monde.

Les œuvres des deux artistes sollicitent beaucoup le spectateur. Gérard le mobilise dans son intellect. Les œuvres qu’il propose sont érudites, mais ce qu’il attend de son public va au-delà de la connaissance. Il veut, comme en témoigne certains de ses dispositifs l’amener à penser.

Elizabeth, pour sa part, sollicite sa sensibilité. Dans l’environnement intemporel de Dinard, par ses fauteuils et canapés, elle l’incite à faire une pause. Peut-être en vacances, mais de toute façon, hors de la cohue des grands musées, le spectateur devenu visiteur est presque contraint, avec elle, de découvrir la possibilité d’une patiente résilience heureuse.

Chacun des deux artistes, dans cet échange plastique, affirme que l’art est toujours à réinventer. La figuration de Garouste n’est pas un art du passé remis au goût du jour. Fruit d’une patiente recherche picturale sur le rendu d’un sens allant au-delà de son histoire propre, ses œuvres intègrent dans leur élaboration, et parfois de façon particulièrement explicite, les avancées de la philosophie du langage.

Elizabeth fait de même. Pour elle, les objets de design deviennent œuvres, porteuses de sens et support de communication. Ses meubles, ses pendus, ses oiseaux et ses personnages étranges disent quelque chose d’elle, femme de Gérard, mais agissent par le fait même de leur expression.

Le couple d’artistes en tant qu’unité complice rend possible l’ambition de la Source de faire de l’art une ressource. Cependant, leur œuvre, parallèle et contiguë pendant tant de temps, souligne en plus son caractère imprescriptible. Peut-être, par cette exposition, le couple Garouste, entouré des « Sourciens », aidera-t-il à comprendre que les messages de l’art ne sont pas toujours portés par un contenu militant.