Dans le texte de présentation de leur collectif, les jeunes curateurs de DésamianT s’expliquent sur le choix de cette appellation : « Locaux vétustes fermés pour amiante. Voilà ce à quoi font face de nombreuses institutions culturelles et universités françaises. Nous décidons de prendre pour nom désamianT en pied de nez à un système. À l’image des grandes institutions vieillissantes, aux vieilles structures défaillantes, à celleux qui n’arrivent pas à suivre le virage du changement de notre société. Nous voulons prendre part au changement et participons activement à l’avenir de l’exposition. Nous voulons être de celleux qui sauront retirer l’amiante du milieu culturel ». Ainsi, DésamianT se positionne comme un regroupement générationnel dont le spectateur est en droit d’attendre une certaine nouveauté liée au fait que ses membres n’ont pas encore pris l’habitude du métier de commissaire d’exposition. C’est la jeunesse qui est mise en avant et, de fait, c’est elle qu’on retrouvera dans l’exposition qui ouvrira demain à l’Espace Grand Plateau du tiers-lieu Césure.
Attention, nul amateurisme n’est à attendre cependant. Ces jeunes curateurs sont en formation dans le cursus dédié proposé par l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ils sont non seulement encadrés par des spécialistes mais également appuyés financièrement par la structure universitaire et par les partenaires qu’elle a su s’agréger grâce à sa réputation. La mise en scène de leur exposition est très professionnelle et rejoint les codes classiques des accrochages de type galeries ou musées. Conçue par Hugo Durand Jugnet, l’identité graphique du texte de salle évoque, par exemple, celle employée sur les brochures de Lafayette Anticipations ou, plus encore, celle utilisée sur le site web du Centre National des Arts Plastiques, lequel est d’ailleurs partenaire de cette exposition. Comme ces institutions culturelles privées et publiques, le collectif DésamianT organise, par ailleurs, de nombreux rendez-vous (table ronde, workshop, projection, performance, atelier d’écriture et concert) autour de l’exposition.
Plus que dans la forme, la jeunesse se retrouve surtout dans le thème. Le titre « Contre-Soirées » sous-entend en effet l’existence de soirées instituées, de temps et d’espaces dédiés aux activités festives. Si cette réalité n’est bien sûr pas celle de tous les jeunes de par le monde, elle leur est, dans notre société occidentale, profondément associée. Mais, au-delà du thème, c’est l’angle par lequel il est abordé qui, pour tout spectateur plus âgé, porte le sceau de la jeunesse d’aujourd’hui. En effet, s’il y a nécessité de « Contre-Soirées », c’est parce que, selon les jeunes curateurs, la soirée officielle n’a rien d’agréable. Excluante, à l’image de la vidéo dont la vision est entravée par des morceaux de bois de Florent Delieutraz (The Bouncer), elle est surtout angoissante comme le montre l’espace regorgeant d’objets issus de la pornographie créé par le collectif Youpron (BOOM BOOM BOOM BOOM). Les deux aspects sont d’ailleurs parfois liés ; intitulée Tout le monde s’amuse sauf moi, la céramique de Sacha Lefèvre entremêle ainsi différents éléments d’une fête aux codes agressifs.
En contrepied de ces nuits aux effets discriminants et rituels violents, ce sont les moments inclusifs et tendres d’after entre intimes que célèbrent les commissaires en exposant la série de photographies de Subu (Tapage diurne) comme les peintures de Clémence Bruno (La fête n’est pas finie et Après la boîte de nuit). De l’installation de Margot & Séléné nommée La cabane à la vidéo de Gabriel Naghmouchi intitulée Safe Club, la nécessité d’espaces safe traverse les titres des œuvres choisies. Mais surtout, des scènes de contre-soirée peintes par Tamara Nathhorst sur un paravent (Constellation) à l’installation de Brontë Scott ressemblant à un abri (Cache Cœur), elle en détermine les formes. Le besoin de sécurité est au cœur du propos curatorial des commissaires de DésamianT, et si, sans doute, il dépasse le seul cadre de la soirée, associé au thème habituellement insouciant de la fête, il est particulièrement manifeste. Véritable fenêtre ouverte sur la jeunesse d’aujourd’hui, l’exposition est à découvrir jusqu’au 17 avril… pour qui ne craint pas l’hangxiety.