Depuis la Maison Édouard Glissant, l’artiste Julien Creuzet présente son projet pour la Biennale de Venise 2024.
Pour la 60e édition de la Biennale d’art contemporain de Venise qui sera inaugurée le 20 avril prochain, Adriano Pedrosa, directeur du Musée de São Paulo et commissaire principal de l’évènement, a choisi l’intitulé « Stranieri Ovunque – Foreigners Everywhere » en référence à une œuvre du collectif d’artistes Claire Fontaine, orientant ainsi la Biennale vers des questions d’altérité́, de marginalité et de mouvements.
Le Pavillon français sera représenté par l’artiste franco-caribéen Julien Creuzet dont le travail protéiforme, de la sculpture à la vidéo, est traversé par l’histoire coloniale et les imaginaires créoles. Dans un langage poétique et complexe, Julien Creuzet associe différentes temporalités et crée des œuvres hybrides et sensorielles au propos politique s’inspirant de la théorie postcoloniale et des écrits d’Édouard Glissant, penseur du « Tout-Monde » (1993).
Son projet s’intitule « Attila cataracte ta source aux pieds des pitons verts finira dans la grande mer gouffre bleu nous nous noyâmes dans les larmes marées de la lune », un titre-poème polysémique autour du nom Attila à la fois source d’eau caribéenne, mythe martiniquais et personnage conquérant de l’histoire occidentale. C’est aussi un hommage à Édouard Glissant à qui l’artiste emprunte les titres fleuves et le mélange de poésie et de politique pour raconter des récits-monde non linéaires. On pense aux sculptures-assemblages à l’équilibre fragile, emblématiques du travail de l’artiste, composées d’objets de consommation et de matériaux composites en suspension qui évoquent des écosystèmes précaires et des corps altérés. Ses installations et ses œuvres vidéos revisitent quant à elles les héritages culturels. La plus récente « Zumbi Zumbi Eterno » 2023 présente un avatar en 3D de masque tribal aux allures de poisson-lune qui sillonne les profondeurs océaniques, en référence à Zumbi Dos Palmares, meneur de révolte d’esclaves dans le Brésil du 17e siècle.
Le Pavillon sera un espace exploratoire composé de sculptures et d’œuvres vidéo autour d’imaginaires mythologiques et ultramarins. Pour sa conception, l’artiste est accompagné de deux curatrices, Céline Kopp directrice du Magasin de Grenoble et Cindy Sissokho commissaire d’exposition basée à Londres qui élargit la dimension transatlantique du travail de l’artiste en intégrant au projet des figures artistiques et politiques anglo-saxonnes. Octavia Butler, écrivaine afro-américaine et féministe, pionnière du mouvement Afrofuturiste sera l’une des 70 voix présentes dans l’installation sonore autour du Pavillon.
C’est hors de l’Hexagone, depuis la Maison Édouard Glissant face au rocher Diamant de Martinique, que Julien Creuzet a souhaité présenter son projet pour la Biennale. Une première pour cet évènement international. À cette occasion, il inaugurait aussi, dans ce lieu historique d’échanges artistiques et intellectuels, le Edouard Glissant Art Fund et sa résidence d’artistes, présidé par Mathieu Glissant le fils du penseur. Le Edouard Glissant Art Fund encouragera les dialogues avec la création contemporaine, notamment grâce à un comité scientifique international comprenant 20 personnalités dont le curateur Hans Ulrich Obrist et le penseur Souleymane Bachir Diagne, qui sera chargé d’inviter de jeunes artistes et commissaires d’exposition.
Avec le Tout-Monde, Édouard Glissant repensait un « Universel abstrait » et l’ouvrait à un processus de métissage (Poétique de la Relation 1990). Sa pensée se différenciait ainsi du concept de Négritude énoncé par l’écrivain Aimé Césaire (Revue L’Étudiant Noir 1935). À travers ses créations, Julien Creuzet accueille les différents courants de la pensée postcoloniale et propose de façonner un Tout-Monde d’après, répondant ainsi aux problématiques posées par le titre de la Biennale « Stranieri Ovunque ».
« Stranieri Ovunque – Foreigners Everywhere », la Biennale d’art contemporain de Venise du 20 avril au 24 novembre 2024.