Le mois prochain, la Fondation Art Explora inaugurera son projet de festival artistique itinérant déployé sous la forme d’un bateau-musée accompagné de son village éphémère.
Le bateau-musée, créé par les concepteurs navals Axel de Beaufort et Guillaume Verdier, proposera une exposition immersive mêlant images virtuelles d’œuvres des collections du musée du Louvre et bande sonore produite en collaboration avec l’IRCAM. Le village éphémère, imaginé par l’architecte Jean-Michel Wilmotte, permettra quant à lui de déployer hors les murs une programmation plus variée. À travers ces différents espaces se tiendront ainsi des concerts, des spectacles, des projections, des ateliers et des expositions. Organisé de cette manière et entièrement gratuit, le festival Art Explora souhaite sillonner les mers et les océans du monde entier pour porter la vision de l’art et de la culture de son fondateur le plus loin possible.
La première partie de ce voyage, qui devrait durer trois ans, se déroulera en Méditerranée. Le bateau et son village feront escale dans 15 pays et quelque 20 ports dont les premiers seront Malte, Venise, Marseille, Tanger, Rabat et Malaga. Faire de la Méditerranée la première étape du festival était une évidence pour le fondateur d’Art Explora, lequel voit dans cette aire géographique l’incarnation de « la diversité dans l’unité ». Tous les grands enjeux contemporains, qu’ils soient migratoires ou écologiques, se trouvent par ailleurs concentrés dans cette partie du monde et c’est aussi pour ce lien à l’actualité que cette destination a été choisie. Pour Frédéric Jousset en effet, l’art peut permettre de rassembler les citoyens et c’est la raison pour laquelle il faut le porter auprès du plus grand nombre.
Espérant faire de sa fondation un acteur international d’intérêt général au même titre qu’Amnesty International pour les droits humains ou Greenpeace pour l’environnement, c’est cette double vision sociale et écologique qu’il souhaite diffuser à travers ce nouveau festival. Nous ne sommes donc pas surpris d’apprendre que l’exposition immersive présentée à l’intérieur du bateau sera consacrée à la représentation des femmes dans les arts en Méditerranée, ni que la grand-voile a été dessinée par l’artiste connue pour ses œuvres militantes Laure Prouvost. « Here we dream of no more front tears », le message de l’artiste, « universel et fédérateur » comme le qualifie Frédéric Jousset, annonce la couleur de cette exposition sans doute plus bienveillante qu’effective.
Si on peut regretter ce prisme au féminin qui pour être un peu trop répandu en est devenu lassant, le village du festival Art Explora accueillera pour sa part une exposition sur le thème plus ouvert de la mer. Organisée par la directrice de Lafayette Anticipations Rebecca Lamarche-Vadel et intitulée « Sous l’azur », elle mêlera artistes historiques et plasticiens de la jeune génération pour révéler les différents imaginaires charriés par la mer : contemplation apaisée ou observation curieuse, crainte de ce qui pourrait lui arriver comme de ce qu’elle contient. Le prisme n’est pas seulement politique, il est aussi poétique, inspiré des mythes littéraires et des représentations qui jalonnent l’histoire de l’art.
En effet, la mer comme thématique offre aussi, pour ceux qui savent scruter le rivage, un répertoire de formes, de textures, de couleurs en puissance à l’image de la sculpture The Dead (un mammifère marin à la dérive et mourant) réalisée en 2019 par Marguerite Humeau. Monumentalité du corps puissant des grands mammifères, translucidité de leur peau réceptive à tout ce que l’homme déverse dans l’environnement, archaïsme de leur squelette évoquant leur disparition prochaine, c’est l’observation du réel qui a permis à l’artiste de figurer au plus juste sa perception personnelle de la faune marine : un trésor menacé.
L’œuvre de l’artiste française qui s’intéresse à la spiritualité animale à l’heure de l’extinction de masse prendra place au milieu d’autres imaginaires ayant su prendre corps dans des productions plastiquement originales. Point de jonction entre vues extérieures et paysages intérieurs, cet imaginaire est coloré chez Etel Adnan, texturé chez Jean-Marie Appriou, fragmenté chez Aslı Çavuşoğlu ou encore effiloché chez Dominique White. Quel que soit leur médium de prédilection, ces artistes nous prouvent que la culture n’est pas qu’affaire d’images virtuelles et de discours. L’art prend forme et c’est dans sa manière de s’incarner qu’il nous dit quelque chose du monde. Son message, en cela, n’est jamais univoque.