À la suite de plusieurs expériences professionnelles en commissariat et production d’expositions, notamment au CAC Brétigny, Camille Martin a souvent été confrontée à la précarité des artistes. Ils ne sont pas assez rémunérés et leurs honoraires arrivent parfois sur leurs comptes bancaires plusieurs mois après la fin de leur exposition. La curatrice souhaitait trouver un remède à cette insécurité. Son projet s’appelle Art 238. bis et a pour ambition d’accompagner les petites et moyennes entreprises dans l’acquisition ou la location d’œuvres d’art.
Le nom, Art. 238 bis renvoie à l’article du Code général des impôts qui permet à toute entreprise de déduire de son exercice certaines dépenses, notamment l’achat d’œuvres d’art. Pour Camille Martin, il s’agissait de monter un projet “de manière provocatrice en parlant très franchement de défiscalisation” et en en dévoilant les avantages : “permettre à des entreprises de se sentir légitimes pour acheter des œuvres d’art et aux artistes de vivre en vendant leurs travaux”.
Depuis le lancement du projet, l’artiste Laura Burucoa a bénéficié d’une résidence au sein du Groupe Actiale – une entreprise de marketing de terrain qui s’occupe de la mise en rayon stratégique de produits en grandes surfaces – pour laquelle elle a été rémunérée correctement. Dans un premier temps, Camille Martin a échangé avec l’entreprise en définissant les grandes lignes du projet et en abordant la définition de l’art contemporain, questionnant à la fois la plasticité des œuvres mais aussi leurs discours. Il a été convenu que le groupe financerait une œuvre sur mesure créée en collaboration avec les salariés et s’intéressant à la façon de faire groupe au travail.
C’est en salle de pause à côté de la machine à café que la résidence de recherche a véritablement commencé. Grâce à un protocole de participation sous forme de diverses questions définies par Laura Burucoa, les salariés étaient invités à s’associer à la création. Pour éviter l’inconfort possible lié à la sensation d’un manque de légitimité ou à la crainte de compétition, les réponses ont été collectées dans une urne. Ces réponses, parfois constituées de dessins, permettront à l’artiste de réaliser l’œuvre qui sera installée dans les bureaux du groupe début 2024.
Pour chaque œuvre créée par le biais d’Art. 238 bis, un texte curatorial est rédigé et des prises de vue de qualité sont réalisées. L’ambition réside aussi dans la valorisation des productions d’œuvres à hauteur d’un centre d’art. Par ailleurs, l’article de loi précise bien l’importance de la valorisation de l’acquisition au sein de l’entreprise. Une fois l’œuvre achetée, elle ne doit pas être enfermée dans les bureaux de la direction mais être exposée au public pendant au moins cinq ans.
À l’avenir, Camille Martin espère pouvoir travailler aussi avec des commerces parce qu’ils sont accessibles à tous.