Pour l’affiche qui présente son exposition au Nouveau Musée National de Monaco, l’artiste italien Pier Paolo Calzolari a choisi de reproduire une image de son œuvre Senza titolo [porta], 2004. Dans cette installation, une peluche mécanique de petit cochon rose tente désespérément de franchir une imposante porte noire insuffisamment ouverte pour lui permettre de passer. Cette porte est une reproduction de celle de la chambre de l’artiste et, comme il le précise dans une vidéo consultable sur le site du musée, il ne faut voir aucune ironie dans cette scène. C’est sa dimension tragique qui l’a touché quand, se levant un matin, il a aperçu un jouet du même type, acheté la veille sur une aire d’autoroute, s’agiter vainement, coincé entre le mur et la porte.
Cette œuvre est donc tout aussi significative du travail de Calzolari que de ses sources d’inspiration. Les émotions que l’artiste cherche à transmettre ne sont pas anecdotiques. Provenant du monde visible, elles renvoient toujours à quelque chose d’insaisissable à l’image du blanc qu’il a longtemps tenté de peindre. C’est même la recherche de ce blanc « absolu » selon ses mots, aperçu sur la surface des pierres de la Riva degli Schiavoni à Venise, qui le mène à utiliser le givre comme matière première de certaines de ses œuvres. Et, lorsque dans l’une des plus belles salles de l’exposition le spectateur découvre une trace de givre sur l’un des autels lui-même couvert d’un linge blanc, il saisit la nature tout aussi spirituelle que visuelle de l’émotion à l’origine de cette quête.
Ce blanc absolu est aussi celui des néons qui, d’un étage à l’autre, font résonner les poèmes d’Ezra Pound jusqu’à la dernière salle où ils sont remplacés par les mots de l’artiste : « mon travail ou mon art obstiné / avide / ma propre main ma main libre / l’air vibre du bourdonnement des insectes / Sans autres odeurs que les miennes, sans autres grondements que les miens ». Lettres de lumière tranchant sur le blanc cassé des matelas au sol, cette installation poursuit, d’une autre façon, le processus d’incarnation d’émotions abstraites. Elle rend palpable la dimension poétique du langage avant même son interprétation rationnelle et en ce sens rejoint sans doute la conception de l’art de Calzolari.
Comme le rappelle l’historien et ancien conservateur Didier Semin dans un podcast également diffusé sur le site du musée, les membres de l’arte povera ont dépouillé les Beaux-Arts des artifices traditionnels que sont par exemple le tableau ou le socle. Cependant il précise que la déconstruction des codes visuels de l’œuvre ne s’est accompagnée chez eux d’aucun esprit de dérision. S’inscrivant dans une tout autre démarche que celle des artistes conceptuels, les artistes de l’arte povera n’ont pas renoncé à l’aspect mystérieux de l’œuvre. L’exposition « Casa ideale » nous restitue cette dimension à laquelle Calzolari, l’un des pionniers de ce mouvement, reste définitivement attaché.