La fin d’année approche et avec elle l’heure des bilans. Le marché n’échappe pas à cette tradition et plusieurs journaux se sont ce mois de décembre prêtés à l’exercice. Leurs analyses concordent : le marché de l’art ne se porte pas aussi bien qu’on pourrait l’espérer, et c’est également le cas en France.
Nous avons bien cette année assisté à quelques ventes records comme le tableau de Joan Miró Peintures (Femmes, lune, étoiles) de 1949 vendu par Christie’s 20,7 millions d’euros mais les chiffres globaux sont moins positifs, surtout si on les compare aux deux années précédentes. Alors que la sortie du Covid avait entraîné un rebond inattendu du marché de l’art français, les conflits actuels à l’est et au sud de l’Europe engendrent un climat de récession économique qui ne lui est pas favorable. Entre l’inflation de la vie quotidienne et l’augmentation des taux d’intérêt, les vendeurs comme les acheteurs se montrent inquiets.
Du côté des vendeurs, ils exigent de plus en plus souvent une garantie minimale par des tiers (maison de vente ou marchand) de façon à être sûrs d’obtenir un prix minimum pour leurs ventes quel que soit le résultat des enchères.
Du côté des acheteurs, ils privilégient des œuvres provenant de collections de prestige. Par ailleurs, le nombre d’intéressés par lot baisse avec une diminution encore plus grande pour les œuvres les plus chères ainsi que pour les moins onéreuses, celles en dessous de 5000 euros trouvant difficilement acquéreurs.
Les résultats sont sans appel. Si les chiffres du second semestre ne sont pas encore connus, les antennes françaises de Christie’s et Sotheby’s avaient enregistré une chute de leurs ventes d’environ 40 % au premier semestre.
Face à un tel constat, pourquoi titrer cet article « un marché de l’art français en demi-teinte » ? Tout simplement parce que ces résultats négatifs sont à envisager au sein d’un marché global qui s’effondre plus rapidement encore.
L’effervescence de la foire Paris+ l’a montré, la France, notamment grâce au maintien du taux de TVA à 5,5 %, n’est pas la moins bien lotie du marché européen. Au contraire, depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union, 50 % des transactions d’art en Europe se font sur le sol français.
Mais, plus globalement, l’installation récente de grandes galeries internationales telles qu’Esther Schipper, Hauser & Wirth ou David Zwirner dans la capitale française montre que le pays occupe une place de choix dans le marché mondial.
Par ailleurs, la frilosité récente des vendeurs et acheteurs d’art s’accompagne d’une volonté d’investir dans des valeurs sûres de l’histoire de l’art avec, la reprise de certains estates (héritage laissé par un artiste) par de grandes galeries le prouve, un intérêt marqué pour l’art européen d’après-guerre : peinture moderne, Arte Povera, etc.
On peut regretter un ralentissement du marché de l’art africain contemporain ou de l’art moderne de figures féminines moins connues que leurs homologues masculins mais les placements sur de grands noms de l’histoire de l’art éviteront peut-être l’explosion future qu’une bulle spéculative autour des artistes émergents faisait craindre. Aujourd’hui le marché ralentit, il ne s’effondre pas brutalement.