Parmi les événements artistiques qui marquèrent 2023, le cinquantième anniversaire de la mort de Picasso fut l’occasion, pour beaucoup, de rendre hommage à un artiste autant admiré que critiqué.
Sophie Calle, invitée en cette circonstance par le musée Picasso Paris, fait un pari audacieux : exposer avec Picasso, oui, mais « lui ». Sa proposition, intitulée « À toi de faire ma mignonne », est à découvrir jusqu’au 7 janvier.
Car, si les œuvres du peintre espagnol sont parfois là, elles sont presque toujours cachées par un tissu ou emballées de papier. Seuls quelques citations et quatre tableaux sont vraiment visibles, laissés en « consolation » pour les spectateurs qui seraient déçus de l’absence du peintre. Cette absence n’enlève pourtant rien à la cohérence de l’exposition, qui part du fantôme de Picasso pour explorer des thématiques chères à Sophie Calle : le regard, la mémoire, ou encore la perte.
À mesure que l’on parcourt les quatre étages du musée, l’artiste pluridisciplinaire, qui vient de fêter ses 70 ans, nous invite à pénétrer de plus en plus dans son intimité, évoquant la mort de ses parents ou l’obsession de sa propre disparition. Ces idées peuvent sembler lugubres, mais sont souvent teintées d’un humour délicat et d’une approche plus universelle ou poétique. Comme à son habitude, Sophie Calle mêle images et écrits explicatifs ou narratifs, incitant à prendre le temps, dans une société saturée par les médias, de comprendre ses démarches et de les laisser résonner en nous.
Le parcours se clôt malicieusement par une découverte des nombreux projets inachevés de l’artiste, documentés par des dessins, photographies ou textes. Raconter un premier amour, faire écrire sa biographie, réaliser une photographie pour le design d’une célèbre marque de fromage… “Trop tard”, “censuré”, “pas exaltant”, ces sentences brutales, inscrites en rouge, indiquent les raisons qui ont obligé l’artiste à faire le deuil de ces idées. Et en même temps, les montrer ici permet de leur donner vie et postérité.