Le travail de l’artiste australien Ron Mueck est actuellement à découvrir à La Fondation Cartier pour l’art contemporain. Il y présente des sculptures effectuées au début des années 2000 comme Baby (2000), Man in a boat (2002) ou encore A Girl (2006), trois représentations de corps humains dont l’étrangeté des situations se trouve amplifiée par leurs tailles inhabituelles. Mais, si ses sculptures de corps humains ultra-réalistes par leurs textures et proportions mais impossibles par leurs dimensions sont emblématiques de son travail, il propose aussi des œuvres plus récentes rompant avec le style qui l’a fait connaître. Effectuée en 2017 pour la National Gallery of Victoria (Melbourne, Australie), la première consiste en une installation monumentale, un amas, une montagne pourrait-on dire, d’une centaine d’énormes crânes humains. Si on retrouve ici les dimensions anormales propres à la démarche de l’artiste, la facture lisse et le blanc uniforme des crânes nous éloignent de son esthétique de l’incarnation à outrance rendue possible par les zooms sur les grains de la peau et l’agrandissement des poils. C’est également le cas de la seconde, réalisée en 2021, un crâne en fonte qui affiche son procédé de fabrication par des marques du moulage laissées visibles à sa surface. Avec ces deux œuvres respectivement nommées Mass (ce qui en anglais signifie foule mais aussi messe) et Dead Weight (poids mort), Ron Mueck renouvelle son approche formelle mais poursuit sa réflexion thématique sur le lien qui unit vie et mort. En cela, ses œuvres récentes répondent au Baby accroché au mur comme un crucifix ou à cette Girl dont les dimensions surhumaines rendent impensables l’idée qu’elle puisse se lever un jour, la condamnant à un état d’impuissance. Corps rétréci, corps échoué, corps dénudé dans une barque à la dérive, c’est toujours la fragilité de l’existence que donne à voir le travail du sculpteur.
Accompagnée d’un documentaire du photographe et réalisateur français Gautier Deblonde montrant l’artiste au travail, l’exposition est à voir jusqu’au 5 novembre. Elle quittera ensuite Paris pour Milan et sera visible de décembre 2023 à mars 2024 à la Triennale Milano.