De l’esquisse à l’épiderme : le chemin artistique du tatouage

De l’esquisse à l’épiderme : le chemin artistique du tatouage
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Au Rembrandt House Museum d’Amsterdam, vous pouvez depuis peu distinguer le bourdonnement inhabituel de l’aiguille de tatouage dans une pièce située à côté d’inestimables œuvres d’art de l’âge d’or hollandais. Le tatoueur Henk Shiffmaker et d’autres grands artistes d’Amsterdam ont en effet adapté certaines des célèbres esquisses de Rembrandt pour en faire des sujets de tatouage. Ce qu’apprécie particulièrement Shiffmaker, c’est la juxtaposition entre le highbrow et le lowbrow – l’encrage de croquis des célèbres maîtres hollandais sur la peau des visiteurs. Comme l’explique le tatoueur à l’Associated Press, « c’est formidable que ces deux mondes puissent se rencontrer mutuellement. En fait, il s’agit d’un unique et même monde, celui de l’art. ». C’est à Barcelone, où exerce le tatoueur Jay B, que se dessinent les nouvelles tendances du métier. 

En effet, l’art corporel et les formes d’art plus conventionnelles sont plus liés qu’il n’y paraît. Et, tout comme chaque grand tatouage prend ses racines dans un croquis soigneusement dessiné, la carrière de nombreux grands tatoueurs a débuté dans le sillon d’une puissante inclinaison pour l’art.


Il suffit de regarder l’histoire de Jay B., un tatoueur italien basé à Barcelone, dont la côte ne cesse de grimper. Enfant, Jay B. a toujours été attiré par l’art et a commencé à dessiner très tôt. C’est dans un salon, alors qu’il dessinait en attendant que son père ait fini de se faire tatouer, qu’un tatoueur a remarqué le dessin de Jay et l’a invité à poursuivre cette voie. Auparavant, Jay n’avait jamais envisagé de faire carrière dans ce milieu, mais l’idée ne l’a pas quitté et il a commencé à dessiner des œuvres inspirées des tatouages. À 19 ans seulement, Jay a appelé un tatoueur local dans son pays d’origine, l’Italie, et lui a partagé son envie de poursuivre aussi cette voie. C’est ainsi qu’a commencé un très long voyage dans de multiples pays avant qu’il ne décide finalement de s’installer à Barcelone, en Espagne, pour perfectionner son art dans la ville qui l’a adoptée. Il expose, aujourd’hui, ses créations sur son compte Instagram.

Pour économiser l’argent nécessaire à cette nouvelle aventure, il a travaillé dans deux des meilleurs studios de tatouage de Turin. L’une des personnes qu’il y a rencontrées est devenue son maître. Il l’a guidé dans son parcours pour devenir un artiste à part entière et s’installer. Jay a choisi Barcelone à dessein : il estimait profondément la scène du tatouage déjà naissante dans cette ville et était impressionné par le nombre de tatoueurs renommés qui s’y trouvaient. En effet, lorsqu’il est arrivé à Barcelone en 2018, la concurrence était féroce. Il lui a fallu jouer des coudes et faire preuve de détermination pour trouver son premier emploi dans un studio.

Pour Jay B, Barcelone est la certitude de se confronter aux plus grands

Au début, le marché de Barcelone était, pour ainsi dire, fermé – comme il le serait pour tout néo-tatoueur, compte tenu de la réputation de la ville dans ce domaine. La place de la ville catalane sur la scène mondiale du tatouage a en effet été consolidée par l’organisation de plusieurs événements internationaux très réputés qui ont permis à la ville de s’imposer comme l’une des premières destinations européennes. Depuis 25 ans, la ville accueille ainsi la célèbre Barcelona Tattoo Expo, qui attire des milliers de visiteurs et artistes du monde entier. Au-delà d’un niveau impressionnant, l’industrie du tatouage à Barcelone est connue pour ne poser aucune barrière à la créativité. L’artiste argentin Paolo Goag, installé à Barcelone depuis plus de dix ans, décrit la scène du tatouage comme un endroit où « vous dites vous-même ce qui est créatif ; (personne ne peut dire) que ce qui est sur votre corps n’est pas de l’art ». Peu importe l’image choisie, « les tatouages montrent sexualité et force ; ils montrent que l’on est beau ».

Cet esprit d’ouverture artistique est l’une des raisons qui ont attiré Jay B. et de nombreux autres artistes dans la ville. Terriblement exigeante pour un jeune tatoueur, le talent de ses pairs continue pourtant d’être une source d’inspiration constante. Barcelone est un excellent exemple de l’attraction du semblable par le semblable et, surtout, de la façon dont les tatoueurs du monde entier perçoivent la ville comme la prochaine étape de leur épanouissement artistique.

Jay décrit inscrit sa pratique dans le style néo-traditionnel. Les tatouages traditionnels, synonymes de lignes audacieuses et de couleurs vives, remontent à ceux des marins du XVIIIe siècle. Dans le même esprit, les tatouages néo-traditionnels s’inspirent des tatouages traditionnels, mais tendent à privilégier des palettes de couleurs plus complexes ainsi que des variations dans l’épaisseur des lignes, et présentent des influences significatives de l’Art nouveau. Les tatouages néo-traditionnels permettent également de varier les approches.

L’incarnation d’une communauté artistique

Si l’histoire de Jay, qui a trouvé un lien de parenté parmi les tatoueurs néo-traditionnels de Barcelone, lui est propre, elle fait écho à l’expérience des artistes qui l’ont précédée et souligne le rôle que joue la communauté dans le monde du tatouage. Barcelone s’inscrit dans une tendance intéressante d’artistes se réunissant dans une ville pour affiner leur art en compagnie d’autres artistes. L’objectif commun n’est pas la compétition, mais plutôt l’inspiration, la créativité et l’inspiration croisées.

Dans un tel environnement, il n’est pas surprenant que des artistes comme Jay B. affluent à Barcelone pour être avec les meilleurs de leurs pairs. Comme le dit Flav Ink, un autre tatoueur basé à Barcelone, « les gens veulent garder un souvenir de leur passage ici. Cette ville vous pousse à être libre ».