Expérience et création individuelle et commune, par quatre artistes majeurs du Moyen Orient, à la galerie Analix Forever à Genève, comme au temps jadis des ateliers, des « Factories » et des squats… sur le thème improbable de la paix.
Avec Ayman Baalbaki, Said Baalbaki, Serwan Baran & Abdul Rahman Katanani – « les meilleurs dans toute la région » affirme la curatrice Rula Alami.
Après une année de discussions et de préparation avec Barbara Polla, les quatre artistes ont accepté, dans le cadre d’un contrat de confiance tacite – « F… moi la paix » – de venir travailler tous ensemble, dans la galerie même, de loger dans la résidence d’artistes peu spacieuse et peu confortable, offrant des matelas à même le sol, jour et nuit – qui de jour et qui de nuit – jusqu’à ce qu’ils estiment, collectivement, que la création foisonnante, généreuse, innovante, des semaines de travail investi justifiait une exposition commune : « F… moi la paix » – à voir jusqu’à début septembre.
Et si les artistes n’ont pas peint la paix, on peut en revanche admirer des œuvres majeures de Serwan Baran, un nouveau Dernier Repas, des prisonniers qu’on imagine de guerre plus que de paix et une formidable série de clowns. Des clowns sans regard mais avec des micros multicolores : les clowns qui nous dirigent. Dans la partie de la galerie qui leur est consacrée, l’angoisse saisit le spectateur, en parallèle au sentiment de dérision.
On peut admirer également toute une série des classiques Tas de la série « Mon(t) Liban » de Said Baalbaki, classiques mais peints pour la première fois à l’acrylique ; les vulves peintes par Abdul Rahman Katanani après ses vulves en métal de barils de pétrole de 2021 ; et des grands paysages d’Ayman Baalbaki, sur toile, dont l’une a été baptisée « Eclat-tente ».
Tente ? La tente est en effet le motif commun principal quoiqu’inattendu, de l’exposition. Deux tentes en métal d’Abdul Rahman Katanani, une tente militaire de Serwan Baran, des tentes multicolores qui recouvrent les Tas de Said Baalbaki et une grande tente, l’œuvre la plus importante de l’exposition, d’Ayman Baalbaki. Une œuvre de transition, une œuvre pivot : sur le tissu découpé d’une tente de Décathlon, Ayman Baalbaki a représenté deux tentes, l’une humaine, l’autre cosmique. Et pour la première fois peut-être, il s’est restreint de « sur-peindre » la tente du firmament qui donne une légèreté nouvelle à l’ensemble.
Les tentes ont une longue tradition au Moyen Orient, mais pas seulement. Partout dans le monde, elles servent d’abri, de protection ; on y mange, on y dort, on y fume le calumet de paix, on s‘y reproduit… et un jour on plie bagage pour s’installer ailleurs, car on ne possède pas la terre – et en l’absence de possession et de territoire revendiqués, peut-être que la guerre n’existerait pas ?
À voir aussi, une œuvre unique réalisée à huit mains, un portrait quasi pariétal, un visage ancestral, sauvage, qui semble avoir traverssé la nuit des temps – et la vidéo de JiSun Lee, qui a filmé le « making of » de cette expérience : Peace in Progress.
« F…moi la paix », jusqu’au 6 septembre.
Analix Forever
10 rue du Gothard
1225 Chêne Bourg – Genève
Contact : barbara.s.polla(@)gmail.com
Tel + 41 22 860 03 72
Ouvert du mardi au vendredi de 14 à 19h pendant tout l’été