C’est un photographe au travail fort particulier qui vient de nous quitter, à l’âge de 76 ans. L’Américain Jeffrey Silverthorne était connu pour livrer des clichés fort dérangeants depuis la fin des années 1960, exploitant à la fois les modes de vie des personnes en marge de la société (dont des communautés de travestis et de transexuels) et transgressant en parallèle plusieurs tabous comme ceux du sexe et de la mort. Les lieux de prédilection de Silverthorne pour poser son appareil ? Les morgues, les motels miteux, des maisons closes de bas étage, tout ce qui a trait à la contre-culture, dénonçant les guerres, les injustices et en portant aux nues celles et ceux qui sont laissés pour compte. Se rangeait-il lui-même dans cette catégorie ? Ses clichés étaient-ils une mise en abîme ? Maintenant qu’il n’est plus là à son tour, on regarde encore différemment ses photos toutes plus puissantes les unes que les autres, comme celles de sa série Morgue Works qu’il réalisa à l’âge seulement de 25 ans. A l’origine de cette passion morbide, le décès de ses propres parents lorsqu’il était jeune. La mort devient alors une muse et une compagne dont il n’était nullement effrayé.
Ses compositions ont ainsi désarçonné bien des spectateurs, tout au long des expositions qui lui sont consacrées depuis près de 50 ans. Sa mise en scène du réel, comme lors de la composition Tex-Mex consacrée aux prostituées de la ville mexicaine de Nuevo Laredo, oscille entre documentaire et fiction. L’artiste passait ainsi aisément entre les styles et les appareils, entre pellicule et polaroïds, naturalisme et scénographies travaillées, noir et blanc et couleur, violence et sérénité. Un travail bouleversant pour un photographe qui l’était tout autant.