En 1812, Francisco de Goya commence l’un des trois portraits qu’il réalisera d’Arthur Wellesley, alors duc de Wellington. Dans celui-ci, il le présente en uniforme rouge, après son entrée fracassante dans la ville de Madrid. Finalement, Goya retouche le tableau deux ans plus tard, en 1814, afin de montrer le glorieux homme en uniforme noir, muni de galons en or de l’ordre de la toison d’or et de la croix militaire qu’il venait d’obtenir. En 1961, ce portrait est acheté aux enchères pour la somme de 140 000 livres sterling par l’Américain Charles Wrightsman. Refusant que le tableau ne quitte son sol, ce dernier est préempté par le gouvernement britannique. Mystérieusement, alors que la toile est exposée, elle disparaît de la circulation le 21 août de la même année. Pendant trois ans, elle sera introuvable. Un destin à la Mona Lisa qui avait elle aussi été dérobée avant d’être retrouvée quelques années plus tard. De fait, le journal Daily Mirror reçoit un courrier anonyme dans lequel se trouve un ticket de consigne à bagages. Le tableau s’y trouve, dénué de son cadre. Il faudra attendre juillet 1965 pour que le retraité Kempton Bunton se rende à la police et reconnaisse son geste. Son but : demander une rançon d’exactement 140 000 livres à reverser à des œuvres de charité et que les autorités rendent gratuite la télévision pour les séniors. Il sera condamné à quatre mois de prison pour le vol du cadre, mais sera relaxé pour celui du tableau.
Cette histoire étrange et rocambolesque est actuellement racontée dans les salles obscures dans le film The Duke qui vient de sortir en France, ultime long-métrage de Roger Michell, décédé en septembre 2021. Kempton Bunton y prend les traits de Jim Broadbent, star de cinéma britannique qui donne la réplique à la grande Helen Mirren. Le film, oscillant entre biopic et comédie, a été sélectionné hors compétition à la Mostra de Venise en 2020. Ou comment un vol d’oeuvre d’art devient une œuvre d’art en lui-même…