Le dernier livre de l’artiste, historien et collectionneur d’art Edwart Vignot est paru aux Editions Place des Victoires. Intitulé L’art de la copie, Les maîtres d’après les maîtres, ce livre à destination du grand public se propose de répondre à la question énoncée dès l’introduction : « Une copie faite par un grand maître est-elle encore une copie ? »
Pour y répondre, l’auteur choisit d’exposer la manière dont de très grands peintres ont copié des tableaux célèbres, qu’ils les aient découverts dans un musée comme Degas au Louvre, qu’ils les aient choisis dans leur propre collection comme Cézanne ou qu’ils aient entrepris de grands voyages pour s’y confronter comme Delacroix partant sur les traces de Turner ou Manet sur les terres de Goya. Ces parallèles entre artistes permettent de mettre au jour l’enjeu d’apprentissage d’un tel exercice. L’auteur nous apprend ainsi que c’est en copiant les estampes japonaises d’Hiroshige que Van Gogh a changé sa façon de cadrer les images, et que c’est après avoir travaillé les œuvres de Monticelli qu’il a modifié sa touche et sa palette à la fin de sa vie. Mais Van Gogh n’est pas le seul à avoir appris de ses aînés ; Rembrandt s’est inspiré de Lastman pour travailler ses jeux de clair-obscur, tandis que Delacroix, reprenant Rubens, lui a emprunté ses « fameuses ombres teintées de rouge rubis ».
S’intéressant à des copies avérées comme à des toiles présentant d’étranges ressemblances sans pour autant se superposer, l’auteur montre qu’une copie n’est pas obligatoirement servile (selon l’expression consacrée). L’artiste qui recopie une œuvre s’approprie certes une certaine iconographie mais la réinterprète bien souvent avec son propre style. Les différences entre le modèle et sa copie peuvent être nombreuses et elles ne sont jamais anodines. Ainsi, lorsque Marquet réinterprète en dessin une des peintures de Chardin, c’est pour mieux en travailler la lumière. Et quand Bellini élargit le cadre d’une scène biblique de Montegna, il a pour ambition de la rendre plus douce, moins dramatique. La pratique de l’inversion de la composition, qui est loin d’être rare, est plus énigmatique. On la trouve chez Boninghton reprenant le tableau Henri IV recevant l’ambassadeur d’Espagne d’Ingres mais aussi chez Fragonard réinterprétant la toile La Sainte famille avec des anges de Rembrandt.
Que ce soit une petite touche naturaliste portée par l’ajout d’une rivière dans la composition de Michelangelo reprenant La tentation de Saint Antoine de Schongauer ou le renversement complet produit par la suppression des personnages présents au premier plan de l’œuvre Apollon et Marsyas de Vannucci lors de sa reproduction par Degas, la copie conduit à de véritables innovations. Pratique essentielle de la formation des artistes, et notamment des jeunes peintres à l’image de Delacroix qui, comme le rappelle l’auteur, a effectué ses premières copies à quatorze ans, elle peut perdurer tout au long d’une carrière. Parce qu’il permet la comparaison, c’est bien souvent à travers cet exercice qu’on perçoit l’envergure d’un artiste. C’est aussi par lui que, quelques fois, l’élève dépasse le maître. Ainsi, Verrocchio a abandonné la peinture pour la sculpture en regardant les copies de ses propres œuvres par son plus fidèle apprenti : Da Vinci.
Illustré par plus de 200 reproductions d’œuvres et de détails d’œuvres, ce livre au format malléable permet de comparer les versions avec précision. Les anecdotes qu’il recèle sont rédigées en six langues et s’adressent donc aux amateurs d’art du monde entier.