Longtemps sous-représentée sur le marché de l’art, la création africaine contemporaine est aujourd’hui en plein essor. Les foires se multiplient, à l’image de AKAA à Paris. Pour autant, la cote des artistes demeure en décalage avec leur poids médiatique croissant. A l’image d’ellipse art projects, fonds de dotation de la société française de conception et réalisation de projets d’infrastructures Ellipse Projects, et de son prix Ellipse qui met en relation les artistes émergents avec les circuits internationaux, les fondations d’entreprises jouent un rôle déterminant dans la reconnaissance de ces artistes.
Longtemps sous-représenté, l’art africain est en plein essor
En 2017, le marché africain de l’art ne représentait que 0,1% des enchères mondiales d’art. Cette faible proportion ne doit pas cacher l’essor que connait aujourd’hui ce marché. L’Africa Art Market Report, indicateur créé en 2015 par Jean-Philippe Aka, marchand d’art ivoirien, en témoigne. En 2016, les transactions de plus d’un million de dollars ont augmenté de 200%. Dans la longue quête de reconnaissance internationale de la création artistique africaine contemporaine, certains événements font figure d’étapes. Il en va ainsi de la vente d’une sélection d’œuvres africaines organisée par Sotheby’s en juin 1999 à Londres. Si le prix de ces œuvres issues de la collection de Jean Pigozzi demeurait peu élevé, 88% des lots se sont vendus, montrant le succès de cette première grande vente internationale de créations africaines.
Artprice, leader de l’information sur le marché de l’art, parle d’un « tournant » : vingt ans plus tard, le produit des ventes d’art africain de Sotheby’s a en effet été multiplié par 10 lors de la vente « Modern & Contemporary African Art », sur un nombre de lots similaires. Et de fait, de plus en plus d’expositions s’intéressent à la création africaine contemporaine, comme « Beauté Congo » à la Fondation Cartier, ou « Seydou Keita » au Grand Palais. Des foires se développent qui participent à l’internationalisation du marché, comme 1-54 à Londres, ou Akaa (Also Known As Africa) à Paris. Des initiatives qui témoignent du « long chemin de la reconnaissance » parcouru par la création artistique africaine contemporaine.
De Jean Pigozzi à l’ellipse art projects, le rôle clé des initiatives privées
Comment expliquer cet engouement en faveur de la création africaine ? Les initiatives privées n’y sont pas pour rien, à commencer par l’action des collectionneurs. Jean Pigozzi et André Magnin font figure de précurseurs. Débutée au lendemain de l’exposition « Les Magiciens de la Terre » à la Grande Halle de La Villette en 1989, la collection de Pigozzi rassemble aujourd’hui plus de 10 000 œuvres, et a largement contribué à l’émergence d’artistes africains sur la scène mondiale, comme le photographe Seydou Keïta. Jean-Hubert Martin, conservateur de l’exposition « Magiciens de la Terre », estime qu’il s’agit de la « première grande expo qui ait ouvert la porte » à la création africaine, à une époque où « personne ne parlait de mondialisation ». Aujourd’hui, Annie Cohen-Solal, Professeure des universités et commissaire générale de « Magiciens de la Terre 2014 » considère qu’il s’agit d’un « des moments fondateurs du processus de la globalisation de l’art contemporain ».
Aujourd’hui, ce sont encore les initiatives privées qui soutiennent le développement de la création africaine. Le rôle des entreprises est à cet égard prépondérant. Les grands philanthropes africains semblent réserver leur générosité à d’autres causes, à l’instar du milliardaire nigérian Tony Elumelu qui soutient les jeunes entrepreneurs. Au Bénin par exemple, il n’y a pas de loi qui encourage le mécénat. Marie-Cécile Zinsou, franco-béninoise, y a créé une fondation qui porte son nom et qui repose à 70% sur des dons africains. Elle évoque des relations tendues avec l’Etat. Selon elle, « être mécène est un acte de résistance ».
Dans ce contexte, le rôle des fondations d’entreprise est crucial pour soutenir la création africaine contemporaine. Total Foundation a ainsi récemment apporté son soutien à Africa 2020, initiative mise en œuvre par l’Institut français et qui articule divers projets culturels et artistiques de décembre 2020 à juillet 2021 sur l’ensemble du territoire français. Ellipse Projects, une société française de conception et réalisation d’infrastructures opérant notamment en Afrique, a également créé ellipse art projects. Ce fonds de dotation orienté vers la création artistique contemporaine vise notamment à favoriser la reconnaissance des artistes africains, asiatiques mais aussi français ou issus de diasporas en France, en leur permettant l’accès aux réseaux de professionnels et d’institutions culturelles. Pour sa première édition, le Prix Ellipse, initiative d’ellipse art projects, va permettre à un artiste africain émergent résidant au Sénégal de bénéficier d’une résidence de trois mois à la Cité internationale des arts et d’une présentation de son travail à Paris, en partenariat avec la foire AKAA. Au Maroc, la Royal Air Maroc est aussi très engagée dans le soutien aux manifestations culturelles africaines. La compagnie aérienne du royaume chérifien a ainsi soutenu « la biennale Dak’Art, le Marché des arts et spectacles d’Abidjan, ou encore le Festival international de la mode africaine (FIMA) », rappelle Khaled Igué, économiste et président du think tank Club 2030 Afrique. En favorisant l’accès du lauréat aux réseaux internationaux du marché de l’art, des initiatives comme celle d’ellipse art projects contribuent à faire émerger les artistes de demain.
Pas assez d’incitations au mécénat
La création artistique africaine a beau être en plein essor, elle n’en demeure pas moins paradoxale. L’écart entre l’engouement médiatique et la cote des artistes est bien réel. Pour Ayo Adeyinka, galeriste nigérian à Londres, « il y a sans aucun doute aujourd’hui un intérêt médiatique fort pour l’art africain contemporain. Mais du point de vue du marché, l’intérêt est bien moindre. » Les artistes américains ou chinois bénéficient de cotes bien plus élevées. Pour Jean Pigozzi, le principal problème vient de ce que les Africains n’achètent pas. Une conséquence des faibles incitations au mécénat d’entreprise en Afrique. Pour Khaled Igué, il est crucial que les Etats favorisent ces initiatives, « en mettant sur pied des dispositifs incitant au mécénat ainsi qu’un cadre réglementaire stable et attractif ».