Ce samedi 3 octobre 2020 est un jour bienheureux pour Venise, les vénitiens et tous ceux qui vénèrent la Cité des Doges. À 8 h 35 les 78 digues mobiles du Mose ont lentement émergé des eaux de la lagune jusqu’à leur élévation finale, à 9 h 52, contre une «acqua alta» de 129 cm (1). Et Piazza San Marco n’a pas été inondée. La Basilique byzantine non plus. Comme à l’ordinaire en cas de marée haute, les commerçants avaient monté des protections qui pour la première fois n’ont pas servi. Les pieds au sec, tous admettent qu’un miracle en retard s’est produit (2). Les responsables et les techniciens du Consorzio Venezia pour le Mose, considèrent plutôt qu’ils ont accompli leur mission après vingt ans de scandales et cinq ans d’incertitudes techniques. Les détracteurs du Mose, dont j’ai ici même exprimé et partagé les doutes (https://www.art-critique.com/2019/11/venise-charniere-desastre/) , ne peuvent qu’applaudir à ce résultat et renoncer joyeusement à leur défaitisme.
Ceux qui ont suivi attentivement les péripéties de la digue automatique, avaient compris que tout n’était pas perdu lorsque l’ingénieur Davide Sernaglia, en charge du bon fonctionnement des caissons à air comprimé, avait enregistré un premier résultat par l’élévation coordonnée des quatre segments mobiles du Mose fixée au 30 juin 2020 (3). Pari remporté dès le mois de mai. La livraison officielle du Mose étant prévue pour le 31 décembre 2021, il faut même se féliciter que Venise soit potentiellement à l’abri d’un désastre, tel celui de novembre 2019 qui nous fit présager le pire.
Pour autant Venise connaîtra d’autres inondations, dans la mesure où le Mose n’entrera en action qu’à la faveur de marées jugées trop fortes, particulièrement pour Piazza San Marco et pour la circulation des «vaporetti». La prochaine marée de 115 cm ne sera donc pas bloquée, si bien que dans 20% environ des quartiers les bottes seront utiles comme par les temps passés.
Cet indiscutable succès, que je suis le premier à saluer sans réserve, ne résout pas encore les questions soulevées dans mon précédent billet. La dette milliardaire des malversations, les coûts d’entretien exorbitants, l’entité des malfaçons n’ont pas empêché la mise en œuvre du Mose, mais c’est à l’épreuve des années et du climat que l’on devra juger de son efficacité et de sa résistance. Pour l’heure, souhaitons la plus longue vie possible au Mose sauvé des eaux, qui préserve déjà Venise de la noyade.
(1) https://www.ilmessaggero.it/italia/mose_diretta_acqua_alta_venezia_diretta_oggi_sollevamento_barriere-5501009.html
(2) https://www.informazione.it/a/9598ECFD-3B72-4B81-812F-97840A0F851B/Il-miracolo-in-ritardo-di-Venezia-Dopo-vent-anni-il-Mose-ferma-l-acqua-alta
(3) https://corrieredelveneto.corriere.it/venezia-mestre/cronaca/20_maggio_31/venezia-iniziato-test-mose-sollevate-prime-schiere-96456a80-a331-11ea-b6cd-6d94d7f3f0a8.shtml
Cliché (c) Lucien Chardon.