Si la technologie textile existe depuis des dizaines de milliers d’années, les arts textiles ont connu un regain d’intérêt au cours du siècle dernier. Longtemps associés à l’artisanat, les artistes du textile ont repoussé les limites du grand art, travaillant à effacer les connotations souvent négatives de ce médium. Dans les années 1970, les arts textiles – qui comprennent le tissage, les arts textiles, la broderie, la conception de tapis et un certain nombre d’autres formes d’art – ont connu une renaissance particulière, mais étaient principalement considérés comme « un travail de femmes ». Depuis lors, de nombreux artistes se sont efforcés de faire entrer ce médium dans le domaine des beaux-arts, forçant les spectateurs, les critiques et le monde de l’art à le considérer comme l’égal d’autres mediums. Aujourd’hui, nous nous penchons sur cinq artistes du textile que vous devriez connaître.
Anni Albers
Anni Albers est presque synonyme d’art textile. Née en 1899 à Berlin, Albers a obtenu son diplôme de tissage à l’école du Bauhaus en 1930. Après sa dissolution, en pleine expansion du parti nazi, Albers s’est enfuie aux États-Unis avec son mari artiste Josef Albers, où elle a commencé à enseigner dans une école d’art expérimentale en Caroline du Nord appelée Black Mountain College.
Le vocabulaire artistique d’Albers a été influencé par les endroits du monde où elle a étudié. Elle s’est particulièrement inspirée des pays d’Amérique latine et de leurs traditions de tissage. Ses œuvres, qu’elle appelle « tissage pictural« , sont principalement axées sur le motif, la texture et le travail au trait. Les œuvres d’Albers font partie des collections les plus prestigieuses du monde et continuent d’être présentées dans des expositions à ce jour. Albers a joué un rôle essentiel dans le développement du tissage en tant que discipline artistique et, en 1949, une exposition individuelle de ses œuvres au Musée d’art moderne de New York a été la première exposition de ce type à se concentrer uniquement sur les textiles.
Judith Scott
Après s’être installée en Californie en 1986, Judith Scott, qui était sourde et atteinte du syndrome de Down, a été inscrite par sa sœur jumelle et tuteur légal au Joyce au Creative Growth Art Centre d’Oakland, une organisation qui offre un espace créatif aux personnes handicapées. À l’époque, Judith Scott s’intéressait peu à l’art et n’avait pas été exposée depuis plus de trois décennies, alors qu’elle était pupille de l’État de l’Ohio. Puis, en 1987, l’artiste Sylvia Seventy a initié Scott au travail du textile et ce fut le point de départ de sa carrière artistique.
Emballant des objets trouvés, que ce soit un chariot de supermarché un balai, dans du fil, du tissu et d’autres fibres, Scott a travaillé sans relâche et produit plus de 200 œuvres ressemblant à des cocons avant sa mort en 2005. Ses œuvres de tailles et produites avec des techniques variables, ont gagné l’approbation du public et de ses pairs qui l’ont surnommée l' »outsider ». Chacune des œuvres de Scott était unique, ne répétant jamais un schéma de couleurs ou une forme, et il lui fallait souvent des semaines, voire des mois, pour les réaliser. Aujourd’hui, ses œuvres se trouvent au Musée d’art moderne de San Francisco, au Musée d’art populaire américain de New York et au Museum of Everything (musée de tout ce qui existe) à Londres.
Sarah Zapata
Vivant à Brooklyn, mais née au Texas en 1988, Sarah Zapata est une jeune artiste textile dont le travail a attiré l’attention du monde de l’art ces dernières années. Lorsqu’elle s’est installée à New York, Zapata tissait les pages d’annuaires téléphoniques abandonnés et d’autres objets banals pour en faire des œuvres sculpturales, leur redonnant ainsi une fonction. Aujourd’hui, elle travaille principalement à travers la performance et le textile, qu’elle utilise pour lutter contre l’association de longue date entre le textile et « les tâches féminines ».
Ayant étudié les œuvres textiles de diverses cultures et mouvements, Zapata trouve les textiles fascinants parce qu’ils sont quelque chose qui touche tout le monde, même si nous n’y pensons pas. « C’est vraiment passionnant », a expliqué Zapata à Metropolis en 2019, « de déjà avoir cette connexion avec le spectateur, et pourtant vous êtes capable d’en changer le récit ». Ses œuvres hirsutes et vibrantes sont fantaisistes et tactiles, mais touchent à des questions de genre, d’ethnicité, d’identité, de technique et à l’histoire précoloniale.
Nick Cave
Nick Cave a une longue expérience dans la danse et le spectacle. Formé par l’école Alvin Ailey, Cave s’est intéressé au mouvement, ce qui apparait clairement dans ses œuvres textiles. Ses sculptures de combinaisons vestimentaires grandeur nature, qu’il appelle « Soundsuits » (costumes sonores), sont l’une des séries d’œuvres les plus emblématiques de Cave. Créés afin de dissimuler le corps, les Soundsuits sont faits de divers matériaux qui constituent une « seconde peau » dépourvue de sexe, de classe, de race, obligeant les spectateurs à regarder d’autres aspects de leur être.
Cave, né en 1959, collectionne des objets qui ont attiré son attention dans des friperies et des marchés aux puces. N’ayant jamais planifié un œuvre à l’avance, Cave peut conserver des matériaux pendant des années avant de les utiliser dans l’une de ses œuvres. Ses Soundsuits sont destinés à être portés et émettent des sons lorsque le porteur se déplace. Outre les questions de genre, de race et de classe sociale, l’œuvre de Cave touche également les questions d’engagement civique, notamment les violences liées aux armes à feu.
Billie Zangewa
La vie quotidienne n’est pas quelque chose qu’on s’attendrait à trouver tissé dans une tapisserie, mais c’est pourtant exactement ce que fait Billie Zangewa. Après avoir obtenu un diplôme en beaux-arts à l’université de Rhodes, Zangewa a principalement travaillé avec des peintures à l’huile, ne travaillant que sur des textiles que pour créer des sacs. Après avoir déménagé à Johannesburg, Zangewa a commencé à travailler dans l’industrie de la mode, ce qui a éveillé son intérêt pour les « peintures » de soie.
Aujourd’hui, elle continue à travailler avec la soie pour créer des représentations de sa propre vie par le biais de la tapisserie, qui est habituellement associée à la religion et non à la vie de tous les jours. Les œuvres de Zangewa sont autobiographiques, mais les principaux thèmes qu’elle aborde ont évolué avec sa vie. Chacune de ses œuvres est cousue à la main et, selon l’artiste, est sa manière de « s’exprimer et d’embrasser [sa] féminité ». Les peintures murales en tissu créées par Zangewa sont évocatrices et élèvent les tâches les plus banales à un autre niveau.