Sculpteur, peintre et plasticien, José Pinon ne façonne pas le bronze ni le marbre de Carrare, mais le zinc essentiellement, le plâtre et le bois aussi. De ces matériaux bruts, qui rapprochent ses œuvres de l’Arte povera (art pauvre), mouvement artistique italien ayant irrigué la scène internationale à partir des années 60, il tire d’étranges créatures, ébauches d’humanoïdes, animaux fantastiques ou oiseaux merveilleux, aiguillés par un élan vital et une grâce inouïs.
Manifeste poétique
Plombier-électricien de formation, José Pinon passe de nombreuses années à installer chaudières et baignoires dans des appartements parisiens. De cette expérience, en plus d’une solide aversion pour la capitale, il tire un savoir-faire dans l’art de souder des métaux, de rendre ductiles les plus rétifs des tuyaux. Cette technique acquise, il décide de regagner, avec femme et enfant, son Loiret natal. Il y construira sa maison et son atelier, sis au milieu d’un écrin de verdure où, enfin, loin des appartements parisiens étriqués, son imagination pourra se délier.
Il l’emploiera à concevoir des sculptures étranges, brutes, torturées parfois, mais toujours animées d’un éclat de vie qui les transcende, les sauve de la misère existentielle. Ces personnages, s’ils disent l’accablement du quotidien, la grande pantalonnade de la vie moderne, le temps qui passe, disent aussi, en effet, la grâce de vivre, la possibilité de résister aux pesanteurs de nos sociétés déshumanisées en injectant du mouvement dans son existence. De la joie. À l’anti-héros post-industriel houellebecquien, ils opposent une vitalité retrouvée, une résistance se nichant dans un geste a priori anodin : un sourire, un morceau de piano, un face-à-face amoureux… Ils composent un manuel de résistance poétique.
Vitalisme
Cette ambivalence, lourdeur des matériaux, élégance des formes, des traits, des expressions, des gestes, est chargée d’un message, d’une philosophie. Elle montre que, prisonnier d’un corps marchandisé, l’homme moderne, matière à consommer, n’en est pas pour autant condamné à la passivité et à l’inertie, mais demeure animé d’un principe vital où il trouvera son salut – s’il se donne la peine de le convoquer. Ce vitalisme traverse toute l’œuvre de José Pinon. Il suffit, pour s’en convaincre, d’admirer ses musiciens exaltés ou ses bonshommes coiffés de rubans de métal, symbolisant la fertilité de leurs pensées. Et cet impressionnant ectoplasme, jambes lourdes et buste avachi, à mieux y regarder, ne sourit-il pas ?
Petite consécration
Le travail de José Pinon a fait sa renommée dans sa région natale, où il expose un peu partout. Discret, retiré de Paris, il ne jouit en revanche pas encore de la notoriété qui devrait être la sienne en France et à l’étranger. S’il a eu les honneurs du Louvre, qui a exposé une de ses sculptures dans son Carrousel en 2010, les sollicitations nationales et internationales sont encore rares. Gageons, vu l’étendue de son talent, que cette injustice sera rapidement réparée.