Contrevenant aux règles de la critique, il m’est impossible de parler du Journal à rebours de Nicolas Comment autrement qu’à la première personne. Avec Richard Dumas, il est le seul photographe dont je sois véritablement proche. Nous avons vécu avec la même femme (successivement), qui nous a présentés l’un à l’autre, nous avons exposé ensemble, conversé des soirées entières, nous nous sommes brouillés puis réconciliés – bref il est un ami. J’ai dans ma bibliothèque ses livres et ses albums, l’œuvre du photographe et celle du chanteur, que j’aime l’une et l’autre sans réserve.
Son nouveau livre Journal à rebours lui ressemble : à la fois sensible et élégant, avec au fond quelque chose de rigoureux. Comme le titre du livre le laisse deviner, il s’agit d’un journal mêlant photographie et fragments de textes. Il couvre les années 1991 à 1999, soit les années d’apprentissage artistique et amoureux. Nicolas Comment se veut alors « reporter de ses actualités personnelles ». Lui qui allait devenir un grand coloriste, fait encore de la photographie en noir et blanc. Mais les thèmes à venir sont déjà présents : les paysages, les lieux lestés d’une histoire qui résonne avec la sienne et bien sûr les femmes (on en croise ici deux). Au fil des pages, se profilent d’autres silhouettes : celle de David (l’ami d’enfance cinéphile), de Bernard Plossu (le modèle), de Godard (le héros), de Patrick Le Bescont (l’éditeur). Autant que je le sache, il n’a renié aucune de ses amitiés/admirations, preuve qu’il possède cette qualité rare qu’est la fidélité. Fidèle, il l’a été aussi à lui-même : l’artiste rimbaldien qu’il est aujourd’hui pointe déjà chez le jeune homme qu’il était. Ses goûts musicaux ne semblent pas non plus avoir changé, car je l’entends souvent citer Lou Reed, Tom Waits, les Tindersticks ou Rodophe Burger. Sa sensibilité aussi, un peu écorchée, est la même. Depuis ses seize ans, Nicolas Comment n’a jamais cessé de rêver sa vie pour vivre une vie rêvée.
Nicolas Comment, Journal à rebours, Paris, Filigranes Éditions, 2019, 20 euros.
Illustration : image de couverture de Journal à rebours, (c) Nicolas Comment.