Grande chaleur et grande affluence, le 29 juin, pour l’ouverture du MOCO, alias « Montpellier contemporain », le nouveau centre d’art ou, comme disent les communicants, hub arty de la métropole languedocienne. Cet aboutissement festif vient sceller un parcours qui ne fut pas un long fleuve tranquille. Le bel Hôtel Montcalm, au coeur de Montpellier, devait accueillir un tout autre projet, sorti de l’imagination toujours active du bouillant Georges Frêche : un « Musée d’histoire de la France en Algérie », destiné à explorer la complexité de 132 ans d’histoire commune, volens nolens. Des collections importantes avaient été rassemblées, un conseil scientifique fort de nombreux spécialistes réuni. Comme on pouvait s’y attendre, le MHFA alimenta les débats, dans une ville où les rapatriés d’Afrique du Nord demeurent nombreux. Le nouveau maire élu en 2014, Philippe Saurel, un homme de pouvoir indifférent aux appartenances instituées comme on en voit beaucoup en ces temps de crise généralisée du politique, prêta une oreille complaisante aux ennemis du projet et, Frêche n’étant plus là pour le défendre, l’enterra d’autorité, à la colère de ceux qui y travaillaient de longue date.
Que faire alors de l’Hôtel Montcalm ? La mairie lança l’idée d’un centre d’art contemporain, regroupant deux institutions déjà existantes : l’École des Beaux-Arts et « La Panacée » de Nicolas Bourriaud, et un nouveau lieu destiné à accueillir des expositions et à servir de tête de pont au réseau. Aux dires de Saurel, le MOCO représenterait « un meilleur atout économique » que le MHFA, argument qui ne révèle pas un sens aigu de l’autonomie de la création – et qui explique, certainement, que le tout nouveau lieu public soit présenté comme «privatisable» à la demande…
À la différence de feu le MHFA, le MOCO n’aura pas de collections permanentes. Sa vocation est d’accueillir, pour des présentations temporaires, des collections venues d’ailleurs. Telle est la véritable originalité de l’institution : centrer son projet scientifique sur la notion de collection, non seulement par des expositions, mais aussi par un centre de recherche impliquant l’Université. Pour l’inauguration est ainsi présentée la riche collection de l’entrepreneur japonais Yasuharu Ishikama, que les premiers visiteurs semblent avoir trouvée un peu difficile à apprécier.
Il faudra certainement du temps au MOCO pour trouver sa juste place dans le paysage culturel d’une ville particulièrement dynamique et, plus largement, à l’échelle nationale et européenne. Sans doute est-il plus sage, alors que les plâtres ne sont pas encore secs, de porter l’attention sur les choix d’aménagement qui structurent le bâtiment. L’architecte Philippe Chiambaretta a délibérément renoncé à tout geste spectaculaire comme les concepteurs de musées ont tendance à les multiplier pour se concentrer sur la mise en valeur de l’édifice historique destiné au MOCO. Son but a été de faire naître un « hôtel réenchanté », à la fois à l’intérieur et à l’extérieur. Des commandes spécifiques ont été et seront en effet passées à des artistes, et c’est le jardin qui bénéficie des « stars » les plus réputées : sa structure a été pensée par Bertrand Lavier, avec la collaboration du très médiatique paysagiste Gilles Clément. Dans une ville où la flânerie est un bonheur constant, cette nouvelle étape éveille à tout le moins la curiosité – ce qui est déjà, en un sens, une réussite.
Photos Michel Pézeril.