Sol LeWitt, artiste majeur du minimalisme et précurseur de l’art conceptuel, naît en septembre 1928 dans le Connecticut aux États-Unis. Il étudie à l’Université de Syracuse dans l’État de New York puis à la Cartoonists and Illustrators School de la même ville qui correspond à l’actuelle School of Visual Arts. Mobilisé pendant la guerre de Corée, il découvre l’art asiatique et s’étonne de l’acceptation du caractère éphémère des choses promulguée par cette culture. Ce consentement à l’évanescence est très important pour la suite de son travail puisqu’il produit de nombreuses œuvres destinées à n’être montrées que sur une courte durée. Dans les années 1950, il effectue plusieurs séjours au Japon, à Kyoto et Tokyo, et rapporte de ses voyages des estampes du XIXe siècle. Lorsqu’il revient s’installer en Amérique du Nord, il travaille en tant que graphiste pour le studio d’architecture d’Ieoh Ming Pei ce qui lui permet de s’exercer au travail d’équipe, élément également important de sa pratique future. Il se fait ensuite embaucher comme réceptionniste au Museum of Modern Art de New York. Dans ce lieu où travaillent de nombreux jeunes artistes tels que Dan Flavin, Robert Ryman, Robert Mangold ainsi que la future critique d’art Lucy Lippard, il s’engage dans un renouvellement de l’art moderne. Dès les années 1960, aux côtés de Frank Stella qui commence ses Shaped Canvas, de Donald Judd qui réalise ses premières progressions et de Dan Flavin qui décline ses néons, il débute ses recherches plastiques et produit des objets en contreplaqué recouverts d’une laque monochrome qu’il pose directement sur le sol, adaptant la dimension de l’œuvre à celle du lieu d’exposition.
S’il garde toujours une esthétique minimale, Sol LeWitt s’engage rapidement dans une pratique artistique plus conceptuelle portée par la certitude que l’idée prévaut sur l’œuvre finie. Exposés en 1965 par la galerie Virginia Dwan, ses travaux se déclinent sous forme de volumes et de dessins faits de formes géométriques simples et de lignes qui s’agencent de façon à former une structure. Ces pièces convoquent l’infini car elles répondent à des suites logiques, des combinaisons possiblement sans fin. Chaque « structure » peut exister de manière autonome ou bien être combinée avec d’autres selon différents principes identifiés par le critique d’art G. Mollet-Vieville à savoir la progression, la permutation et l’inversion. C’est ce système de construction rendu visible pour le spectateur qui fait œuvre pour Sol LeWitt pour qui le résultat final n’est que “l’indice de l’idée”. Ses lignes, réalisées dans des matériaux industriels (aluminium ou acier laqué) ou, lorsqu’elles sont tracées au crayon, appliquées de la manière la plus neutre qui soit, cherchent à mettre de côté la dimension subjective. Pour autant, si la main de l’artiste est absente, le corps du spectateur est engagé puisque pour apprécier l’œuvre dans sa totalité, il doit se déplacer autour des structures.
En 1967, il publie dans la revue Artforum un article intitulé Paragraphes sur l’art conceptuel dans lequel il explique la nécessité de penser le rapport entre l’œuvre et l’espace dans lequel elle s’inscrit. C’est ainsi qu’il en vient à créer ses premiers Wall Drawings, abandonnant la surface du papier pour couvrir entièrement celle du mur. Il réalise les premières œuvres de ce genre en 1968 pour une exposition organisée par la galerie Paula Cooper à New York. Il expose alors aux côtés de Carl Andre, Robert Barry, Donald Judd, Robert Mangold et Robert Ryman. Présentant de simples lignes, ces premiers dessins muraux réalisés au crayon vont petit à petit se teinter de couleurs, d’abord dans des teintes sobres réalisées à l’encre de Chine puis par la suite dans des couleurs très franches appliquées à l’acrylique. Dans la continuité de la conception de l’art selon laquelle l’idée l’emporte sur la réalisation, il conçoit les plans de ses œuvres et en délègue la réalisation à des exécutants : assistants, artistes, étudiants ou amis. Si Sol LeWitt donne des instructions précises sur ses diagrammes, il accepte les imprévus liés à l’interprétation par d’autres, comme il l’écrit dans Paragraphes sur l’art conceptuel : « Une fois que l’idée de l’œuvre est définie dans l’esprit de l’artiste et la forme finale décidée, les choses doivent suivre leur cours. Il peut y avoir des conséquences que l’artiste ne peut imaginer. Ce sont des idées qui sont à considérer comme des travaux d’art qui peuvent en entraîner d’autres… » Sol LeWitt invente ainsi une figure de l’artiste proche du compositeur qui écrit une partition devant être jouée par d’autres. Si Sol LeWitt est extrêmement novateur dans sa manière de concevoir l’art, de le produire et de le diffuser, il est profondément respectueux de ses prédécesseurs. Ses Wall Drawings, débarrassés de tout cadre, font rupture avec l’art moderne mais convoquent les fresques des artistes de l’après-Renaissance et de la Renaissance italienne. Sol LeWitt admire les œuvres de Giotto et de Piero della Francesca dont il découvre les travaux dans les livres d’histoire avant de se rendre en Italie pour les contempler. Dans les années 1980, il s’installe à Spolète avec sa femme Carole, elle-même d’origine italienne.
Sol LeWitt meurt à New York en avril 2007 laissant derrière lui une quantité de diagrammes qui, dans une logique où l’infini spatial rejoint l’infini temporel, devraient nous permettre de reproduire ses Wall Drawings pendant longtemps encore.