Donald Judd, acteur du minimalisme en sculpture et premier théoricien du mouvement, naît dans le Missouri en 1928. Il étudie la philosophie au Collège de William et Mary en Virginie puis à l’Université Columbia de New York avant de commencer une maîtrise d’Histoire de l’art sous la direction de Rudolf Wittkower et de Meyer Schapiro. Il suit en parallèle à l’Art Students League des cours du soir qu’il finance en écrivant pour des revues d’art américain importantes telles que Art News, Arts Magazine et Art International de 1959 à 1965.
Judd commence sa carrière artistique au milieu des années 1950 en expérimentant la gravure sur bois ; il travaille alors des formes organiques arrondies puis s’essaie à des formes plus angulaires. Il s’oriente ensuite vers la peinture pour créer des formes flottantes sur des fonds lumineux qui rappellent les compositions de nombreux expressionnistes abstraits de l’époque. Ces toiles sont montrées dès 1957, date à laquelle il obtient sa première exposition personnelle à la Galerie Panoras de New York.
Judd abandonne la peinture dans les années 1960 et commence à utiliser des matériaux industriels comme le métal, le ciment ou le plexiglas pour fabriquer des formes simples qu’il dispose dans l’espace selon un procédé de répétition. En 1964, il rédige un essai, considéré comme le manifeste du minimalisme, intitulé « Specific Objects ». Ce texte prône l’apparition d’un nouveau type d’œuvres qui ne sont ni des peintures ni des sculptures mais des volumes géométriques recouverts de couleurs industrielles. C’est aussi au cours de cette année qu’il cesse d’exécuter ses œuvres lui-même pour confier leur réalisation à des artisans professionnels. À partir de 1966, il fait fabriquer ses pièces en usine de façon à éviter toute facture artisanale.
Après s’être essayé à des structures au sol (des modules répétés qu’il nomme « boîtes »), Judd commence à travailler à des structures murales. Ces œuvres, qu’il nomme « piles », sont constituées d’une succession de formes rectangulaires alignées verticalement contre le mur. Les éléments ne se touchent pas et les intervalles qui les séparent sont de la même hauteur que les parties pleines car ils font partie intégrante de l’œuvre. Le nombre de parties pleines varie en fonction de la hauteur sous plafond mais doit être pair pour qu’aucune d’elles ne soit assimilable à un centre. Judd utilise différents matériaux et couleurs pour la réalisation de ses piles afin qu’elles échappent aux catégories de peinture et de sculpture. Se présentant soit comme une colonne mais dépourvue de socle (le premier élément n’est jamais posé au sol) soit comme une peinture mais accrochée à la verticale, ces œuvres s’inscrivent en porte-à-faux des dualités plan/volume et verticalité/horizontalité. Par la suite, Judd effectue des variantes, installant les éléments de ses piles selon des suites mathématiques. Ces œuvres, nommées « progressions » par l’artiste, ont pour but d’échapper à l’expressivité.
En 1968, Judd, qui souhaite réaliser des œuvres à l’échelle d’une pièce de façon à ce qu’elles interagissent avec l’espace environnant, fait l’acquisition d’un immeuble de cinq étages à New York. C’est aussi à partir de cette date qu’il commence à produire des œuvres en acier inoxydable et en béton pour des installations en extérieur. À partir de 1972, il s’installe dans un ranch au Texas de façon à continuer ses expérimentations en plein air. Un an plus tard, il achète les baraquements d’un aéroport désaffecté situé non loin de sa maison pour y installer ses œuvres. C’est également à cette époque qu’il commence à s’intéresser au design. Il crée des chaises, des lits, des étagères, des bureaux, d’abord en pin puis en tôle et en acier.
Judd meurt d’un lymphome à Manhattan en 1994 en laissant derrière lui une œuvre qui renouvelle la conception de l’art en vigueur jusqu’alors. Ses pièces minimalistes ne font référence à rien d’autre qu’à elles-mêmes ; elles affirment leur forme, leur matériau, leur couleur et leur organisation interne. Les œuvres de Judd se détachent de toute figuration illusionniste mais aussi de tout travail de composition esthétique. Les éléments identiques disposés sans hiérarchie qui constituent ses pièces ont pour seuls buts de provoquer une sensation visuelle immédiate et de transformer les espaces qui les accueillent.