L’amour du pays natal est vif chez le grand photographe sicilien Ferdinando Scianna. C’est dans l’île qu’il est né en 1943, ce sont surtout ses habitants qu’il a commencé à photographier dès la sortie de l’adolescence. Malgré une carrière internationale, marquée notamment par un long séjour à Paris et de nombreux voyages, il n’a jamais « oublié Palerme ». Cela lui a valu, en 1987, un sucès foudroyant dans un genre nouveau pour lui, la photographie de mode, lorsqu’il fit poser le mannequin vedette de Dolce & Gabanna, Marpessa, non pas dans les salons d’une maison de couture mais par les rues et les places de Sicile.
La figure humaine est au coeur de l’aventure photographique de Scianna, qu’il s’agisse d’un gamin des rues, d’une nonna au fichu noir ou d’une vedette en robe du soir. Il se revendique de la filiation de Cartier-Bresson, qui appréciait son travail et le fit entrer à Magnum. Son idéal est celui du photographe nez au vent, qui attend la bonne aubaine de postures et de lumière. Les images savamment construites ne sont pas son affaire, trahissant selon lui un fantasme de maîtrise auquel il entend échapper; le génie de l’instant l’intéresse bien davantage.
Leonardo Sciascia, Racalmuto, 1964, © Ferdinando Scianna.
Parmi les visages immortalisés par Scianna, on compte beaucoup d’écrivains. Ses portraits de Borges sont bien connus, et l’une des photos de Barthes les plus fréquemment reproduites est de lui. Rien d’étonnant à cela : c’est sous le signe des Lettres que commença sa carrière, lorsque Leonardo Sciascia découvrit ses clichés des fêtes religieuses dans les bourgades de Sicile et éprouva une telle fraternité avec le photographe qu’il lui proposa d’en faire un livre dont il écrirait le texte.
Il est donc heureux que la rétrospective d’un demi-siècle l’oeil au viseur soit présentée ce printemps à la Galerie d’Art moderne de Palerme. 180 images y dessinent, de la Sicile à la Sicile en passant par le vaste monde, l’itinéraire de l’un des photographes les plus curieux et les plus doués de la Méditerranée. Ceux qui n’auront pas la chance de la voir in situ pourront la retrouver dans les prochains mois, puisqu’elle a vocation à l’itinérance ; déjà montrée à Forli fin 2018, elle le sera ensuite à Venise.
Ferdinando Scianna : viaggio, raconta, memoria – Palerme, Galleria d’arte moderna – jusqu’au 28 juillet.
Image de titre : Marpessa, Caltagirone, 1987, © Ferdinando Scianna.