Le festival « Écrans mixtes » de Lyon s’impose depuis presque dix ans comme l’un des grands rendez-vous du cinéma queer en France. Son programme pour 2019 est particulièrement séduisant. Un parfum d’Angleterre flottera sur le festival : pour l’ouverture, le 6 mars, le mythique Maurice de James Ivory sera présenté en copie restaurée ; nul doute que les jeunes gens sensibles de 1987, devenus des messieurs sensibles, se presseront pour revoir cette élégante adaptation du roman d’E. M. Forster, qui en a aidé plus d’un à se rendre compte que lui aussi, comme le « Lord Chatterley » de l’histoire, préférait le garde-chasse… Ivory, dont la cote à la bourse des valeurs queers est repartie à la hausse après qu’il a signé le scénario du cultissime Call me by your name (qui aura droit à une séance en présence du scénariste), donnera à Lyon une master-class. Plusieurs de ses «classiques» seront montrés parallèlement, parmi lesquels le toujours délicieux Chambre avec vue. On est curieux aussi de Vita et Virginia, de Chanya Button, qui sera projeté en avant-première française le 8 mars et qui évoque la liaison devenue légendaire entre Virginia Woolf et Vita Sackville-West, deux femmes libres en un temps qui l’était peu.
-Et qui peut-être l’est toujours bien peu : alors que de sinistres bruits de bottes se font entendre au Brésil, il était bon d’inscrire au programme d’Écrans mixtes un « focus » sur le « Novo Queer Cinema », avec une demi-douzaine de films tous plus intéressants les uns que les autres, qui constitueront autant de découvertes. On ne prend pas de risque en affirmant que le titre de l’un d’eux vaut certainement pour tous, au-delà des nuances stylistiques : Meu corpo é politico, mon corps est politique. Toujours du côté des Suds, on ne manquera pas, le 10 mars, la séance de courts-métrages italiens, dont les sujets annoncés sont d’une extrême diversité et dont la sélection a été assurée par le « Lovers Film Festival » de Turin.
C’est tout le riche programme d’Écrans mixtes que l’on voudrait citer. Entre les films aimés que l’on revoit avec bonheur et les inconnus que l’on aspire à découvrir, tout y suscite le désir. Presque au hasard, à côté de nombreux films français et étrangers, relevons, dans le programme de couts-métrages du 9 mars, Une enfance de Jean Genet, propre à faire le lien entre une magnifique tradition littéraire et une production d’images pleine d’inventivité. La semaine se terminera, le 14, par un film tout récent, au titre improbable, Les Crevettes pailletées, auquel on ne peut a priori que vouloir du bien, entre autres parce qu’on y retrouve le charmant Geoffrey Couët, découvert dans le Théo et Hugo de Ducastel et Martineau. De ce que l’on en sait, le film est joyeusement fantasque, un nouvel exemple de ce courant d’air frais que le cinéma LGBT fait souffler sur les salles et les festivals et qui met gentiment de travers toutes les perruques – et même quelques barettes ecclésiastiques, puisqu’aussi bien on est à Lyon au pays du « Primat des Gaules »…