Guy Cogeval, qui a dirigé le musée d’Orsay pendant presque une décennie, de 2008 à 2017, peut se prévaloir d’un bilan impressionnant. Les mémoires qu’il vient de publier chez Skira, éditeur dont il a toujours été proche et qui lui offre une publication soignée sur un élégant papier très léger, lui permettent de revenir sur ses trois plus grands motifs de satisfaction.
Il a d’abord conduit au sein du musée des aménagements ambitieux et innovants, renouvelant les parcours, créant de nouveaux plateaux, modifiant les cimaises, améliorant les éclairages, introduisant des designers (il affirme curieusement que « faire venir les frères Campana – à qui l’on doit l’aménagement du Café de l’Horloge au 5e étage – a été ma réalisation majeure à Orsay » !). Le musée qu’il laisse à son successeur est très différent de celui qu’il a trouvé à son arrivée, même si le contexte des dernières années de son mandat ne lui a pas permis d’achever la rénovation complète de l’établissement.
Il a pu pendant ses neuf années de présidence organiser de très nombreuses expositions originales et passionnantes, telles que « L’Ange du bizarre. Le romantisme noir de Goya à Max Ernst », « Masculin/Masculin. L’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours », « Van Gogh / Artaud. Le suicidé de la société », « Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie », « Splendeurs et misères. Images de la prostitution, 1850-1910 » ou « Au-delà des étoiles. Le paysage mystique de Monet à Kandinsky ». La plupart d’entre elles renouvelaient l’approche des thèmes abordés, dans une scénographie forte et convaincante, sous un titre attractif, donnant ainsi aux expositions du musée d’Orsay une touche spécifique qui a su séduire un public de plus en plus large, tandis que se multipliaient aussi les expositions du musée à l’étranger.
Il a enfin permis un enrichissement très sensible des collections du musée. L’auteur met l’accent sur le nombre des acquisitions du musée pendant son mandat – plus de 5.000 ; il aurait pu à meilleur titre insister sur leur qualité. C’est grâce à lui qu’ont pu notamment se concrétiser les donations spectaculaires de Jean-Pierre Marcie-Rivière et des époux Hays.
Guy Cogeval a vécu au musée d’Orsay, comme il le dit lui-même, les plus belles années de sa vie. Il a été un formidable président, enthousiaste, fonceur, aux intuitions remarquables. La passion qu’il a consacrée aux trois sujets que l’on vient d’évoquer ont pu le conduire à en négliger d’autres, et son style de management a pu être critiqué. Mais il a su faire de ces mémoires, rédigées après un départ dont il a du mal à se remettre, bien autre chose qu’un règlement de comptes (ses amis l’auront aidé, peut-être un peu trop, à lisser son texte, au sein duquel ne subsistent que des appréciations positives) : c’est le témoignage précieux d’un grand directeur de musée passionné et passionnant.