La chapelle Rothko en travaux

La chapelle Rothko en travaux
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Située dans l’État du Texas aux États Unis, la Chapelle Rothko ferme ses portes jusqu’à la fin de l’année. Classé depuis 2000 au registre national des monuments historiques, ce lieu de méditation œcuménique qui attire maintenant plus de 100 000 visiteurs chaque année doit se rénover pour garantir les conditions de conservation des œuvres.

C’est en 1964, quelques années après avoir découvert la série Seagram Building dont la dimension tragique les avait impressionnés, que les collectionneurs franco-américains Jean et Dominique de Menil demandent à Mark Rothko de concevoir une chambre de méditation pour la ville de Houston au Texas. Reprenant à leur compte la doctrine du dominicain Marie-Alain Couturier : « Mettre fin à l’absurde divorce qui, depuis le siècle précédent, a séparé l’église de l’art vivant… faire appel aux plus grands artistes indépendants, quelles que soient leurs convictions personnelles.« , c’est naturellement qu’ils invitent le peintre de confession juive à produire des peintures pour leur lieu de recueillement. En effet, après être passé par une période surréaliste inspirée de thèmes religieux, Rothko s’est employé dès la fin de la guerre à inventer un langage abstrait empreint de spiritualité. Il a rejoint « la branche théologique de l’expressionnisme abstrait » selon l’expression d’Harold Rosenberg qui y intègre certains des contemporains de Rothko comme Clifford Still, Adolph ­Go­ttlieb ou encore Barnett Newman.

Plan de la chapelle Rothko.

 

Rothko accepte la proposition et commence à travailler avec l’architecte Philip Johnson, mais très vite les deux hommes sont en désaccord. Rothko imagine un plan octogonal fait d’un entrecroisement de deux croix grecques dont il réalise une maquette dans son atelier. Il le poursuit avec Howard Barnstone puis avec Eugene Aubryalors qui termine la construction sur le campus de la Menil Collection en 1971, un an après son décès. L’espace intérieur est éclairé par un puits central ; la lumière du jour, atténuée par un voile, produit une atmosphère assez sombre qui suscite le silence. La structure orthogonale permet quant à elle au spectateur de se tenir à égale distance des murs lorsqu’il se trouve au centre. Elle l’enclôt dans un espace quasi-circulaire favorisant l’immersion dans les œuvres. Pour les murs de la chapelle, Rothko réalise trois triptyques et cinq panneaux simples. Ces œuvres, de très grand format dans des teintes de violet brun sombre, ne ressemblent à aucune des autres peintures de l’artiste. Il ne s’agit plus de rectangles aux couleurs irradiantes et aux bords indéfinis flottant dans un champ monochrome mais de monochromes au sens strict du terme. Si la palette du peintre s’était assombrie dès 1957, il travaille ici à réduire les effets de transparence et de glacis comme pour mieux insister sur l’environnement. De plus, pour la première fois, Rothko ajoute des bandes sur le bord des peintures. Si l’on peut voir dans ce dispositif d’encadrement une radicalisation moderniste au contact des jeunes artistes de son époque, il est plus probable que la destination particulière de ces œuvres ait conduit ce tenant du « Colorfield painting » à modifier sa technique. Ainsi, dans une lettre envoyée au couple de Menil en 1966, il écrit : « La grandeur, à chaque niveau d’expérience et de signification, de la tâche dans laquelle vous m’avez impliqué, dépasse toutes mes espérances. Et cela m’enseigne à aller au-delà de ce que je pensais possible pour moi. Pour cela, je vous remercie « . Car, si la Chapelle Rothko n’est pas une chapelle comme les autres, si elle n’est dédiée à aucun culte mais ouverte à toutes les confessions, elle doit mener à une expérience de méditation contemplative.

Barnett Newman, « Broken Obelisk », 1963.

 

Et c’est notamment pour préserver la dimension spirituelle de ce lieu qui accueille chaque année de nombreuses manifestations culturelles et artistiques (colloques, projections, performances, etc.) que le conseil d’administration s’est engagé dans un vaste programme de réaménagement. Les fonds récoltés, estimés à 30 millions de dollars, doivent permettre d’installer une nouvelle verrière de façon à supprimer les projecteurs installés au plafond et à restituer une impression de contact entre la lumière naturelle et la surface des toiles comme le souhaitait l’artiste. Dans un but de conservation préventive, le revêtement des murs doit également être changé afin d’éviter toutes infiltrations et des dispositifs de contrôle de l’humidité et de la température à l’intérieur du bâtiment doivent être mis en place. Le système de sécurité va également être modernisé. Les œuvres, qui ne nécessitent aucune opération de restauration, seront conservées en réserve jusqu’à la fin des travaux.