Avec Portrait d’une maison chez Victor Hugo, Hauteville House, Guernesey, la Maison Victor Hugo propose un voyage dans le passé et dans un lieu d’exception à découvrir jusqu’au 14 avril. Une exposition qui coïncide avec la réouverture au public de la célèbre maison d’exil anglais de l’écrivain, après plus d’un an et demi de restauration.
2 décembre 1851. Louis-Napoléon Bonaparte vient de faire son coup d’état. Victor Hugo se précipite vers les députés de la gauche, situés alors rue Blanche et organise la résistance. En vain. Aidé par sa maîtresse Juliette Drouet, Hugo se cache, se déguise et finit par quitter la France. Le 9 janvier 1852, il est banni du territoire français. Après avoir gagné l’île de Jersey où il vivra pendant trois ans avec sa famille, il s’installe à partir du 31 octobre 1855 sur l’île de Guernesey. Grâce à la vente de ses Contemplations (« Ce livre m’a donné un toit », écrira-t-il), Victor Hugo acquiert une maison au 38 rue de Hauteville et qu’il rebaptise Hauteville House. Ce sera la maison de l’exil, mais aussi celle de l’écriture de ses plus grands chefs d’œuvre. Une maison, surtout, entièrement décorée et aménagée par l’écrivain. Juliette Drouet, quant à elle, s’installe au numéro 20 de la même rue. Ils resteront près de 15 ans sur l’île de Guernesey, jusqu’en 1870. Et Hauteville House est devenue, depuis, un lieu de pèlerinage pour tous les admirateurs de Victor Hugo.
Des travaux nécessaires. Cette maison emblématique avait tout de même besoin de sérieux travaux de rénovation, afin de retrouver l’éclat dans lequel Hugo l’avait façonnée. Ces derniers ont pu voir le jour grâce au mécénat avec Pinault Collection et la Maison Victor Hugo expose non seulement toutes les étapes de cette transformation, mais revient aussi sur les quinze années d’exil de l’auteur dans cette maison dans laquelle il ne reviendra qu’une seule fois. De salle en salle, on découvre la demeure pièce par pièce, entre archives, mobiliers (dont un coffre peint par Hugo lui-même), peintures et photographies d’époque. Là, le jardin et sa fameuse fontaine aux serpents, où Victor Hugo organisait régulièrement des repas pour les enfants pauvres des environs. Là, surtout, le cabinet de travail de l’écrivain et son look-out à la vue imprenable.
Installation et aménagements. L’exposition commence par l’aménagement de cette maison par Victor Hugo et sa famille. L’écrivain, passionné par le décor, qui a toujours fait en sorte que ses appartements lui ressemblent, va façonner Hauteville House selon ses goûts, s’impliquant sur les moindres détails. Les premières salles présentent en effet les croquis préparatoires signés de Hugo, ainsi que des photographies des décors à peine terminés par Maxime Lalanne. Hugo fait rajouter des structures en bois, une serre à deux étages donnant sur le jardin et le look-out pour une vue sur la mer.
Des éléments qui ont souffert avec les années et qui ont eu le plus besoin d’une campagne de restauration, commencée en septembre 2017 et qui vient à peine de s’achever. Couloir décoré de faïences et de porcelaines accrochées sur une armature en bois, salle de billard, salon garni de la tapisserie Départ à la chasse de Carel Van Falens, salle à manger avec une cheminée monumentale, salons rouge et bleu, jardin d’hiver, galerie de chêne avec boiseries et tapisseries anciennes, Hauteville House se donne à voir dans toute sa splendeur et sa démesure pour l’époque, comme un cabinet de curiosités et d’expérimentations, où Victor Hugo laisse libre cours à sa créativité. Dans l’antichambre du look-out, il écrit La Légende des siècles et Les Misérables (dont l’exposition reproduit la page de garde de la main de l’écrivain). Après son départ, Victor Hugo n’y reviendra qu’une fois en 1878, amoindri, se remettant d’une attaque, mais entouré des siens qui tentent de tout faire pour le divertir, dont monter une pièce de théâtre avec ses petits-enfants. Des traces de vie qui vont peu à peu quitter la maison pendant de longues années.
L’après Victor Hugo. En effet, après la mort de Victor Hugo en 1885, Hauteville House devient une maison de villégiature pour sa famille. Alice Hugo, sa belle-fille, y retournera de temps en temps, avec son nouvel époux, Edouard Lockroy. Georges Hugo, le petit-fils de l’écrivain, y viendra plus souvent et émettra le souhait que Hauteville House revienne à la France. Un vœu exaucé deux années après sa propre disparition, en 1927. Ses enfants donnent la maison à la Ville de Paris. Toute une salle retrace cette générosité, avec l’acte de propriété cédé, les derniers portraits familiaux dans cette maison où l’âme de Victor Hugo semble encore présente. Une âme que l’on retrouve dans la dernière salle de l’exposition.
Le regard porté par différents artistes sur Hauteville House qui continue de fasciner. Georges Hugo la peindra dès la mort de son grand-père, le représentant d’ailleurs comme s’il y vivait encore, comme s’il hantait les lieux. Devenue musée, Hauteville House a attiré de nombreux photographes, heureux de pouvoir l’immortaliser sous toutes ses coutures, d’Olivier Mériel en 1998 à Joël Laitier, en passant par Klavdij Sluban et Jean-Baptiste Hugo en 2015, descendant direct de l’écrivain dont les clichés, magnifiques, rendent à la fois hommage à la maison et à son arrière-arrière-grand-père. Il ne reste plus désormais qu’à prendre le premier bateau pour Guernesey…