Pour le 140è anniversaire du peintre Kasimir Malevitch a été organisée une rétrospective de son œuvre radicale et fondamentale au M17 Contemporary Art Center. Ce forum, qui s’est tenu du 22 au 24 février, par le biais de partenaires majeurs de la scène ukrainienne (le Malevitch Institute, le Musée d’art national d’Ukraine ou encore l’UART, la Fondation pour la diplomatie culturelle de l’Ukraine, présidée par Serge Ossipenko) a été une occasion de (re)découvrir le pionnier, fondateur de l’avant-garde, qui a « détruit l’anneau de l’horizon ».
Kasimir Malevitch, innovateur invétéré
Kasimir Malevitch naît en 1878 à Kiev, au sein d’une famille de 8 enfants de parents polonais vivant en Ukraine. Il décède en 1935 à Leningrad après une vie mouvementée en Russie, résolument opposée à l’oppression académique. Il est notamment l’auteur du premier monochrome blanc, le Carré blanc sur fond blanc, et du fameux Carré noir sur fond blanc une œuvre dont le succès posthume a éclipsé la richesse de son œuvre.
Au printemps 1927, il part en voyage à l’étranger pour montrer ses expositions à Varsovie, Berlin et Paris. Les expositions à Varsovie et à Berlin furent un succès retentissant, mais l’auteur fut convoqué en Union soviétique et dut laisser son matériel et ses peintures à Berlin. Il fut arrêté, et le rêve d’un artiste d’exposer à Paris ne se réalisa jamais de son vivant.
Entre 1928 et 1930, Kazimir Malevitch a donné des conférences, organisé des ateliers d’arts visuels expérimentaux au cours desquels il guérit les étudiants « du réalisme et de la peur des couleurs ». À la même période, il fonde, avec ses amis, l’Ounovis, (Union pour l’affirmation du nouvel art) la première école consacrée à l’art moderne. Des publications artistiques ukrainiennes de premier plan, telles que la revue futuriste de Kharkiv Nova Generatsiya, basée à Kiev, ont publié une série de ses articles. Au printemps et à l’été 1930, Malevich expose ses œuvres à la Galerie des Beaux-Arts de la capitale. Ce fut sa dernière exposition.
Innovateur invétéré, Malevitch fut un des cas les plus illustres d’artiste boudé de son vivant, qui a atteint la postérité après sa mort. Pour ce peintre, pas question de se borner à « la représentation de petits coins de la nature, de madones ou de vénus impudiques ». Du cubo-futuriste à l’avant-garde, il fut le créateur de l’abstrait géométrique et du mouvement d’avant-garde suprématiste (un nouveau réalisme pictural, d’après Malevitch) avec Ivan Klioune, Lioubov Popova, Nadiejda Oudaltsova ou encore Olga Rozanova.
Un peintre résolument ukrainien
Figure emblématique de l’avant-garde, généralement rattachée à la Russie, Kasimir Malevitch aura notamment été chercher l’inspiration dans la tradition ukrainienne – un détail souvent omis dans les analyses de son œuvre. Une ironie particulièrement cruelle quand on sait à quel point son œuvre était réprouvée du régime soviétique. Sa reconnaissance n’intervient qu’à partir des années 1970. Il est depuis considéré comme l’un des maîtres de l’art abstrait et un des artistes les plus essentiels du XXe siècle.
« Malevitch est l’un des artistes les plus importants de tous les temps, non seulement en Ukraine et en Russie, mais aussi dans le monde entier. C’est un phénomène unique quand, après des siècles d’académisme, on voit émerger quelque chose d’aussi mythique que le Quadrilatère Noir. Pas tant la peinture elle-même, que la forme. L’énergie conceptuelle qui a émergé de cette forme a remis l’art à zéro. Tout a recommencé. L’art est devenu plus rapide et, selon Chernyshevsky, il est devenu un manuel de vie », résume l’historien Jean-Claude Marcadé, premier commissaire de la première exposition d’avant-garde ukrainienne à Paris. .
Le forum international
Pour ce qui serait son 140ème anniversaire, Malevitch a été au centre d’un forum international qui a rassemblé des professionnels de haut niveau de la communauté mondiale d’avant-garde : les experts de renommée mondiale en beaux-arts, les chercheurs d’avant-garde, les professeurs d’histoire de l’art.
Cette action a été rendue possible par la coopération entre la communauté artistique ukrainienne et internationale. Elle est portée par plusieurs entreprises et institutions (publiques et privées) parmi lesquelles le centre culturel contemporain M17, la Fondation Adamovski, le Musée national d’art d’Ukraine et l’UART.
Cette fondation ukrainienne exclusivement dédiée à l’art national, est pilotée par l’homme d’affaires Serge Ossipenko. Ce dernier est principalement connu en France pour son rôle central de promoteur de la culture ukrainienne – un aspect trop souvent mis au second plan, derrière le grave conflit qui divise le pays. Au sujet de Malevitch, Serge Ossipenko a déclaré « Le nom de Malevitch est instantanément reconnu aux quatre coins du monde et ses œuvres sont profondément gravées dans l’histoire de l’art. Les plus grands musées sont fiers de posséder les collections d’œuvres d’art malevychiennes : The Art Institute of Chicago, MoMA The Museum of Modern Art in New-York, Stedelijk Museum in Amsterdam, Centre Pompidou à Paris, Albertina Museum à Vienne, The State Tretyakov Gallery à Moscou. Il est temps de rouvrir et de découvrir des pages inconnues de la vie créative malevychienne, l’influence de l’arrière-plan ukrainien sur son style et la scène d’avant-garde mondiale. »