Le Musée Pouchkine s’associe avec la Fondation Custodia pour proposer une exposition rare et délicate : un voyage sur cinq siècles de dessins de grands maîtres européens et russes. Plus de 200 dessins souvent inédits pour le grand public, sont donc à découvrir jusqu’au 12 mai prochain.
Dans le grand salon de la Fondation Custodia située dans le VIIe arrondissement parisien, son directeur, Ger Luijten, introduit l’exposition événement présentée sur deux niveaux de l’hôtel Lévis-Mirepoix, Le Musée Pouchkine, Cinq cents ans de dessins de maîtres, à admirer jusqu’au 12 mai prochain. « Nous avons été contactés par le Musée Pouchkine, afin de montrer ses dessins au public. Il a fallu faire un choix drastique parmi les 27 000 dessins de sa collection, afin d’en faire une aventure visuelle, comme si l’on assistait à une vingtaine d’expositions différentes », précise Ger Luijten. De fait, sur les 200 dessins sélectionnés, l’exposition invite à traverser les siècles, jusqu’au XXe. « Une quinzaine de cadres ont été changés au tout dernier moment et nous avons créé un catalogue regroupant à la fois les dessins présentés, mais aussi des notes, des images comparatives… ». L’exposition permet ainsi de rentrer littéralement dans les œuvres, grâce à un livret que l’on nous remet, où sont identifiés chaque dessin par un numéro. A chacun, des anecdotes particulièrement détaillées sur l’oeuvre en question, pour une véritable immersion. « On voyage sur cinq siècles de dessins, comme si l’on suivait une série en cinq épisodes avec différentes facettes. Nous avons voulu que chaque salle possède une ambiance qui lui est propre, qui ne sera jamais reproduite ailleurs », conclut le président.
Retour au XVe siècle. Au premier étage de l’hôtel Lévis-Mirepoix (qui vaut à lui seul le déplacement), les dessins les plus anciens de l’exposition. 400 ans d’œuvres, du XVe au XIXe siècles, montrés en un seul niveau et plusieurs salles. Presque vertigineux. On peut suivre l’exposition de manière chronologique, tout comme l’on peut fureter de siècle en siècle, sans logique apparente, au gré de ses envies. On y retrouve des dessins anonymes ou issus de grandes écoles (comme celles d’Albert Dürer ou de Rembrandt), mais aussi des œuvres de grands maîtres, que l’on peut admirer pour la première fois en France. Le Vénitien Vittore Carpaccio propose ainsi un Philosophe dans son étude, occupé aux mesures géométriques, à la plume et à l’encre brune, tandis que Véronèse définit la composition de son Repas chez Simon avec un rapide croquis qui semble encore dépouillé. Un peu plus loin, une Etude de têtes de Parmigianino, deux profils masculins et un visage de femme, souvent retranscrits dans ses œuvres graphiques.
Dans une autre salle, quatre dessins signés Rubens, dont un Centaure vaincu par l’Amour, issu du séjour romain du grand maître ou une Tête de Silène composée à la pierre noire. Rembrandt quant à lui, est représenté à travers une Etude de femme tenant un enfant dans les bras, datée de 1650, sans doute dessinée par le maître à la hâte, lors d’une de ses promenades. Nicolas Poussin, de son côté, dispose de trois dessins à la plume et encre brune, dont un éblouissant Cérès cherchant Proserpine, reproduisant une partie d’un sarcophage romain daté du IIe siècle. Et parmi les autres artistes européens de ce premier étage, des dessins de Watteau, Fragonard, David, Ingres, Delacroix, Brioullov, Corot ou Caspar David Friedrich. Quatre œuvres intenses de ce dernier sont montrées, dont Deux hommes au bord de la mer, inspiré d’un de ses tableaux de 1817, invitant à la contemplation des vagues en mouvement, ou Cercueil sur une tombe fraîche, en pierre noire et lavis brun.
Le XIXe siècle s’invite ensuite dans une salle qui lui est consacré, avec des œuvres impressionnantes, telle la Jeune femme au manchon de Renoir, rehaussé d’aquarelle ou Après le bain de Degas, toujours dans la thématique de la femme à la toilette emblématique du peintre, sans oublier des fusains de Maurice Denis ou une aquarelle de Gustave Moreau. Ainsi que le sublime Portrait d’une jeune femme de Vincent Van Gogh, seul dessin de l’artiste conservé dans les collections publiques russes.
Plus proches de nous. Au niveau inférieur, place aux peintres de la première moitié du XXe siècle. Un mur entier est consacré à Kandinksy dans la première salle, avec quatre dessins réalisés à la plume, encre noire et aquarelle. A ses côtés, des dessins de Paul Klee dont La Comète de Paris datée de 1918, où le peintre semble exprimer son chagrin de tous ceux qu’il a perdus suite à la Première Guerre mondiale. Une autre salle est dédiée à Matisse (avec pas moins de neuf dessins), un des artistes modernes dont le Musée Pouchkine possède le plus de dessins dont La Danse, lié à l’un des tableaux les plus célèbres du peintre et conservé actuellement au MoMA, à New York.
L’exposition permet également de contempler six études de Picasso, dont Les Bateleurs, esquisse à la gouache et au fusain préparatoire à l’une de ses œuvres les plus célèbres de sa période rose, La Famille de saltimbanques (Les Bateleurs). Tout un mur est également consacré au peintre cubiste Fernand Léger, avec sept dessins souvent à l’encre noire et au pinceau, dont Portrait de Nadia (avec une fleur) de 1948, dessin qui n’a pas réussi à être relié à une quelconque autre œuvre de Léger. Parmi les autres maîtres français, Robert Delaunay, ou Paul Signac.
Cette deuxième partie de l’exposition fait la part belle aux artistes russes de la première moitié du XXe siècle, de Victor Borissov-Moussatov à Natalia Gontcharova (une des seules représentantes des peintres femmes de l’exposition), en passant par Boris Grigoriev, Nikolaï Koupreyanov, Kasimir Malevitch et Marc Chagall.
Une exposition qui souligne l’extrême richesse de tous ces peintres dont on a l’habitude de connaître les œuvres terminées, alors que leurs esquisses sont tout aussi fascinantes…
Fondation Custodia,
121 rue de Lille, 75007 Paris.