L’héritage culturel commun que la France et l’Égypte partagent depuis des décennies est souvent sous-estimé. Pourtant, dans le cinéma, la musique ou la recherche universitaire, les deux pays se sont largement enrichis mutuellement. Alors que l’année culturelle France – Égypte a été officiellement lancée à l’Opéra du Caire, les liens qui rapprochent les deux pays n’ont jamais été aussi forts.
Quand on aborde les échanges culturels de la France avec l’Afrique du Nord ou le Moyen-Orient, on pense souvent au Liban ou aux pays du Maghreb, avec lesquels la France partage un passé hérité de la colonisation et les influences de l’immigration. On pense beaucoup moins à l’Égypte, et pour cause : dans l’Histoire, d’autres pays européens ont noué une relation plus étroite avec la nation égyptienne, comme la Grande Bretagne ou l’Italie.
Pourtant, la nation égyptienne est un acteur important de la vie culturelle et universitaire française. En témoignent les nombreuses personnalités nées en Égypte ou de nationalité égyptienne, qui ont participé à l’enrichissement et au rayonnement de la culture hexagonale. Le cas le plus éclatant et le plus connu, c’est d’abord dans la musique : quel est le point commun entre Guy Béart, Richard Anthony, Louis Chedid, Georges Moustaki, Dalida ou Claude François ? Ce sont des chanteurs et des compositeurs qui ont marqué à jamais la musique française et qui sont tous nés en Égypte ou de nationalité égyptienne. Une double appartenance qui aura un impact dans beaucoup de leurs créations : « Salma Ya Salama », chanson en arabe qui évoque la nostalgie des Égyptiens exilés à l’étranger, est devenu l’une des chansons phares de la chanteuse Dalida et du répertoire musical français des années 1970.
Dans le septième art, il faut évidemment mentionner Omar Sharif, dont la carrière dans le cinéma français est à la hauteur de sa filmographie en Égypte et à l’international : 588 rue Paradis, Le Casse, La nuit des généraux, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran… Le plus français des acteurs égyptiens.
Francophonie et partenariat scientifique
Le sujet de la francophonie ne manquera pas d’être abordé lors de la prochaine rencontre entre Abdel Fattah al-Sissi et Emmanuel Macron, prévue en début d’année. Car l’Égypte a aussi un rôle important pour la défense et la diffusion de la langue française. Bien sûr, la présence militaire et politique britannique a durablement ancré la langue anglaise dans le paysage linguistique du pays. Mais jusque dans les années 50, c’est le français qui servait de langue commune aux minorités italiennes, grecques, israélites présentes au Caire ou à Alexandrie. Jusqu’à devenir, progressivement, la langue d’une partie de l’élite culturelle.
Depuis 1983, l’Égypte est membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Elle a d’ailleurs donné à l’organisation son premier secrétaire en la personne de Boutros Boutros-Ghali, sixième secrétaire général des Nations Unies qui dirigea l’organisation de 1997 à 2002. C’est l’Égyptien qui a d’ailleurs donné sa dimension actuelle à l’OIF, en en faisant un véritable outil du « soft power » français et du multilatéralisme. Boutros Boutros-Ghali fut d’ailleurs l’un des pères fondateurs de l’Université Senghor d’Alexandrie, fondée en 1989 et principale université francophone du pays avec l’Université Française d’Egypte (UFE) du Caire.
Rapprochement franco-égyptien
Aujourd’hui, il y a encore près de 10 000 francophones en Égypte et les municipalités d’Alexandrie, du Caire et de Port-Saïd sont membres de l’Association internationale des mairies francophones. Le français est désormais la deuxième langue étrangère enseignée dans le pays. Les universités du pays comptent près de 11 filières francophones, qui regroupent actuellement 2 000 jeunes Égyptiens. Simultanément, ils sont près de 2 500 à poursuivre un cursus universitaire en France – un nombre amené à croître avec la signature d’un accord-cadre pour la construction d’une Maison d’Égypte à la Cité Internationale Universitaire de Paris.
L’Égypte est d’ailleurs un partenaire privilégié de la France pour la coopération académique et scientifique. Chaque année plus de 400 publications dans des revues internationales de haut rang sont cosignées par les chercheurs des deux pays. Une collaboration à travers une pléiade d’institutions, notamment dans les sciences humaines et la recherche historique : l’Institut Français d’Archéologie Orientale, le Centre d’études alexandrines, l’institut français d’Égypte, le centre franco-égyptien d’études des temples de Karnak…
Rappelons aussi que 2019 est l’année culturelle franco-égyptienne. Lancée à l’Opéra du Caire le 9 janvier 2019 à l’occasion d’une création chorégraphique franco-égyptienne, l’année culturelle sera l’occasion de très nombreux évènements de part et d’autre de la Méditerranée, notamment l’exposition « Toutankhamon » à la Grande Halle de la Villette à partir de mars 2019. Plus de 50 pièces de collection voyageront pour la première fois hors d’Égypte et plusieurs centaines de milliers de visiteurs sont attendus. La prochaine visite officielle d’Emmanuel Macron en Égypte, prévue fin janvier, devrait aussi être l’occasion d’approfondir et de renforcer cette relation si particulière et si riche. L’enjeu est de taille : si les accords économiques et politiques peuvent avoir rapidement des effets à court terme, c’est bien une diplomatie culturelle renforcée qui permettra, sur le long terme, en profondeur, auprès de la société civile, d’unir solidement nos deux nations.