Au musée Cinéma et Minitature de Lyon, se tient une exposition étonnante à découvrir comme on entrerait dans un magasin d’antiquités, étranges et fascinantes. Caro/Jeunet donne en effet à voir les trésors d’imagination de deux réalisateurs français iconoclastes et uniques en leur genre.
Les Etats-Unis ont Tim Burton, le Mexique a Guillermo del Toro et nous, nous avons Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet. Deux magiciens du cinéma férus d’effets spéciaux que ne renieraient certainement pas Méliès (une de leur référence) et qui ont débuté ensemble. De leurs premiers courts-métrages et clips (dont un pour Jean-Michel Jarre, Zoolook) à leurs dernières super productions, les deux compères proposent au public de découvrir les coulisses de leurs films, comme le ferait un savant fou avec son laboratoire. Cela prend forme via une exposition étonnante où l’on s’immerge totalement dans leurs œuvres et qui avait remporté un succès public et critique lors de son installation à Paris pendant une dizaine de mois, à la Halle Saint-Pierre, à deux pas du café des Deux Moulins, antre d’Amélie Poulain, bien évidemment. Ou l’occasion de découvrir le talent de deux artisans qui sont devenus, de film en film, de véritables artistes de l’image.
La naissance de deux artistes. Musée Cinéma et Miniature. Un lieu lyonnais à deux pas de la Cathédrale Saint-Jean qui vaut à lui seul le déplacement, brillant par son originalité et des expositions temporaires. Il est consacré en effet à la magie des effets spéciaux et à l’art de la miniature, soit un musée totalement inédit en Europe, mais surtout le plus adéquat pour accueillir un cabinet de curiosités cinématographiques. Jusqu’au 5 mai, on peut y découvrir, pour celles et ceux qui n’avaient pas fait le déplacement l’an dernier à Montmartre, les étonnantes créations de Caro et Jeunet qui les ont conduits à devenir les pionniers du cinéma de genre français. On déambule ainsi d’univers en univers. Ici, on reconnaît les objets qui jalonnent la chambre d’Amélie Poulain. Là, on retrouve des éléments de décors de Delicatessen, leur premier long-métrage en commun. Ici encore, un Alien que l’on pourrait qualifier de grandeur nature (et heureusement qu’il n’est que de fiction), tout en résine et d’un réalisme à donner envie de crier, même si dans l’espace, on ne nous entendrait pas. Là, des costumes du sublime Un long dimanche de fiançailles, ou ici, des reproductions toutes droit issues de La Cité des enfants perdus. Nul doute, nous sommes en présence de deux artistes atypiques dont l’amour de la bizarrerie et de l’esthétisme suranné a fait des réalisateurs chevronnés et couronnés de succès.
Des trésors d’imagination. Tous leurs films sont là, en effet, de leurs premiers courts-métrages à leurs dernières productions (au succès toutefois plus confidentiel, compte-tenu de leurs premiers films ensemble ou séparément)… De Dante 01, à MicMacs à tire-l’arigot, en passant par L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet et même des projets avortés, ceux dont il ne subsiste que des storyboards ou des maquettes. Parmi ces derniers, un Odyssée de Pi (finalement tourné par Ang Lee) qui fut jugé trop onéreux à l’époque et dont l’adaptation a accouché d’un budget encore plus coûteux. Ou encore, le pilote d’une série télévisée consacrée à Casanova avec Diego Luna dont les premières images, virtuoses, font regretter qu’un tel projet reste à jamais enfoui dans un tiroir. Entre extraits de films, affiches internationales et croquis, tout est fait pour replonger dans ces longs-métrages envoûtants qui fleurent bon l’enfance, comme des madeleines de Proust, transpirant d’ingéniosité, de débrouillardise et de talent. Un bémol toutefois. On aurait aimé des explications sur la création de ces objets, sur la naissance de ces idées et de ces scénarii invraisemblables qui ont marqué le public depuis plus de 30 ans désormais. Les mots sont bien trop rares pour laisser place à l’image. Mais peut-être faut-il voir dans cette économie du verbe, un hommage à la discrétion toute légendaire de ces deux artisans-artistes du cinéma français et international. Et dont on attend les prochains travaux avec une vive impatience.
Musée Cinéma et Miniature, Maison des Avocats 60 rue Saint-Jean – 69005 Lyon.
Ouvert tous les jours.