L’agence Cultival propose des sorties culturelles pour découvrir Paris autrement. Notamment sous le prisme du street art qui a envahi les rues du quartier de la Butte aux Cailles du 13e arrondissement parisien, mettant en avant des artistes singuliers, au travail qui ne laisse pas indifférent.
La Butte aux Cailles est l’une des sept collines de Paris. Elle doit son nom au sculpteur et céramiste Pierre Caille, qui y acheta un coteau planté de vignes. Il y avait alors neuf moulins à vent sur la Butte et la Bièvre la traversait, avant de se jeter dans la Seine, attirant toutes sortes d’activités artisanales, dont des teintureries, malheureusement fort polluantes. Annexée à Paris sous Napoléon III en 1860, la Butte aux Cailles a fait partie du grand œuvre d’urbanisation du Baron Haussmann, qui a remblayé la Bièvre. Mais la Butte conserva (et conserve toujours) son atmosphère de petit village populaire. Des artistes y ont acheté des maisons, travaillant même parfois directement dans la rue. Le photographe Brassaï en conçut un ouvrage, reproduisant graffitis, dessins et gravures qu’il trouvait sur les murs de la Butte. « Le mur appartient à tous ceux qui ont le cœur gros, il est le tableau noir de l’école buissonnière » avait-il écrit alors. Désormais, la Butte appartient surtout aux street artistes, au même titre que Belleville ou Montmartre. C’est ce que nous allons découvrir…
Des artistes reconnus. Notre guide sera Mathilde, qui travaille pour Cultival depuis dix ans. « Le street art est l’art qui se développe en environnement urbain, avec des techniques qui lui sont propres. C’est un art gratuit et éphémère, de plus en plus reconnu comme un art en tant que tel, entrant d’ailleurs dans les galeries et les musées », décrypte-t-elle et effectivement, comme Banksy, de nombreux artistes de street art commencent à être reconnus. Et il y en a plusieurs sur la Butte aux Cailles. Il y a notamment Miss Tic, devenue une artiste emblématique, née à Montmartre et qui vit désormais sur la Butte aux Cailles. Elle travaille au pochoir des silhouettes de femmes indépendantes et séductrices, avec des petites phrases qui prêtent à rire ou à émouvoir et qui souvent, donnent à penser. Au début, elle a souvent été condamnée pour dégradations, mais aujourd’hui, elle travaille sur des murs autorisés ou pour des commandes, de devantures de restaurants par exemple. « Elle dit avoir plus fréquenté les commissaires de police que ceux d’exposition » sourit Mathilde. Un rapport de force qui est en train d’être changé, petit à petit. Il y a également des œuvres de Jef, qui travaille à l’aérosol et qui s’est vu récemment confier une fresque de 350 mètres carrés par la Mairie de Paris, place Stravinski.
Passage Sigaud, Seth, qui se dit globe painter, voyage partout à travers le monde et peint très souvent des enfants en apesanteur, dont on ne voit jamais les visages, ou qui semblent rentrer dans un mur. Des œuvres poétiques de plus en plus plébiscitées. Il fut d’ailleurs l’invité d’honneur de la dernière édition des « Lézarts de la Bièvre », une association qui protège les œuvres murales du quartier et dont il a fait l’ouverture des ateliers d’artistes cette année.
Passage Boiton, c’est sans doute le plus connu de tous les street artists français qui s’invite, par le biais d’un space invader. Son créateur, Franck Slama, dit Invader, est un véritable AVNI (Artiste Vivant Non Identifié) qui a déjà posé plus de 5 000 mosaïques partout à travers le monde, dont 1 000 rien qu’à Paris. Elu Meilleur artiste de street art en 2011, il expose désormais ses œuvres et a publié de nombreux ouvrages.
Autre artiste qui vit de son travail de street art, KASHINK, jeune femme qui se dessine une moustache à l’eye-liner tous les jours. A côté de la Piscine de la Butte aux Cailles, on peut admirer une commande monumentale réalisée pour l’école, avec la participation des enfants. On y suit le parcours de personnages punks, bigleux, très colorés et inspirés par le Mexique. Sans oublier Kraken, qui dessine des poulpes au pinceau depuis 2009, souvent au-dessus des commerces et des banques et qui a déjà collaboré plusieurs fois avec Agnès B.
Des artistes de tous horizons. Ce qui surprend, au cours de sa balade, c’est la pluralité de ces artistes, tant au niveau du style que de l’âge, de la manière de travailler aussi. Certains font cavaliers seuls quand d’autres acceptent d’unir leurs talents. Parmi les motifs les plus inspirants et récurrents, les animaux. Pour Mosko et Associés, par exemple, deux artistes qui oeuvrent au pochoir, ce sont les animaux de la savane qui ont leur prédilection (girafes, éléphants, zèbres). « Pour eux, la ville est une jungle urbaine et ils se considèrent comme des embellisseurs du cadre de vie, égayant le quotidien des passants », précise Mathilde. Naoh quant à elle, est passionnée par les oiseaux, à qui elle donne des attributs humains, comme des nœuds papillon. Passage Barrault, c’est un homme-oiseau qui fait du parachute que l’on croise et dessiné par Jober, magnifiant le lieu et offrant une réflexion sur l’endroit où l’on place son œuvre.
Philippe Baudelocque quant à lui, signe de son vrai nom des dessins en monochrome avec des animaux au pastel et à l’huile. « Il lui faut trois jours pour faire un dessin. Il demande toujours l’autorisation auparavant », souligne Mathide. Un cas rare, à l’opposé d’une Misskat aux petits chats au pochoir et qui, a 80 ans passés stresse toujours beaucoup quand elle œuvre, goûtant toutefois à ce « mélange d’interdit et de liberté ».
Quand ce ne sont pas les animaux qui les intéressent, ce sont les humains et souvent, des causes à visée humaniste. L’Américain Smile, originaire du Colorado, travaille au pochoir avec une multitude de détails. Il peint souvent le visage de Van Gogh, à qui il ajoute une oreille en plastique. Ses autres sujets de prédilection, le rappeur 2Pac ou le Dalaï Lama. Zabou, elle, graphe à main levée et peint souvent des femmes au foyer qui se rebellent, des manifestants, ou des enfants qui font des bêtises…
Jef Aérosol, comme son pseudo l’indique, travaille à l’aérosol. Né à Nantes, il fait des portraits de personnages issus de cultures différentes, souvent des musiciens, des rockeurs, auxquels il rajoute toute une signalétique, avec une flèche rouge.
EZK Streetart propose des œuvres aux messages forts, des séries à thèmes (Art against poverty pour dénoncer le travail des enfants, Barbie Turik ou Dans quel monde Vuitton). Il fait partie des rares artistes à travailler de jour.
Un mélange de techniques. Parfois, ces artistes ne font pas que dessiner ou grapher. Ils mêlent différentes techniques pour faire une œuvre unique en son genre et pas seulement vouée à être éphémère. L’artiste Jérôme Gulon a par exemple introduit la mosaïque dans le street art, avec des grandes figures de la Commune de Paris, comme Vallès, Blanqui, Louise Michel, le Général Wrobleski), avec des portraits disséminés tout le long du parcours de la Commune, avec l’ajout d’un coquelicot qui pousse au niveau d’un impact de balles.
Rue Alphand, le Diamantaire, qui vient de Normandie et à Paris depuis 2008, fasciné par le travail d’Invader, a décidé de suivre son exemple et de proposer aussi ses mosaïques « en offrant ce qu’il y a de plus beau selon lui, des diamants, à base de miroirs de récupération », explique Mathilde. C’est ainsi que tout le long de la Butte aux Cailles, on trouve des œuvres qui ne ressemblent plus à ce dont on a l’habitude de voir, mais qui prennent la forme de sculptures, comme les cœurs en bois créés par A2 ou du yarn bombing, nouvelle forme d’art qui vient des Etats-Unis, qui englobe des objets du quotidien de la rue avec des tricots, comme ici Sandrine Angel et ses pots de fleurs réalisés au crochet.
Surtout, on assiste à des collaborations entre street artists, ce qui éloigne le cliché du grapheur qui opère seul et marque son territoire. Poes travaille avec Jober sur des personnages aux cheveux roux et rue des 5 Diamants, une grande fresque a été réalisée par le collectif 2AC de trois artistes qui collaborent sous ce nom et dessinent des animaux. Leur fresque a été agrémentée d’une oreille en plâtre créée par deux Italiens, Urban Solid « pour signifier que nous sommes dans une zone sur écoute et que les murs ont des oreilles ». Oreille elle-même customisée par l’ajout d’un sein par Ultralarue, jeune femme qui fait des moulages et qui déjà représenté plus de 455 seins ainsi dans tout Paris.
Une balade découverte à faire dans le 13e arrondissement, même si peut-être qu’une partie de ces œuvres aura été recouverte d’ici là…
Pour en savoir plus : https://www.cultival.fr/visites/paris-street-art-a-la-butte-aux-cailles