C’est la controverse du moment. Celle qui relie trois musées : celui de la ville russe de Rostov Veliki, le Centre Pompidou de Paris et le MoMA de New York. Et à son épicentre, un tableau de Kasimir Malevitch, peint à Moscou et daté de 1913, considéré comme l’un de ses chefs d’œuvre, Samovar. Une toile cubiste estimée entre 13 et 18 millions d’euros qui, après avoir été peinte, a été exposée dans de nombreuses villes, de Paris à Moscou, en passant par Saint-Pétersbourg. Et qui fut achetée par le Bureau du commissariat soviétique à l’Education en 1920, avant d’être transférée au musée du Kremlin de Rostov Veliki, en 1922. Mais 50 ans après, le tableau se retrouve, comme s’il avait le don d’ubiquité, dans une salle de vente chez Sotheby’s. Acheté par un collectionneur, le MoMA se porte acquéreur en 1983. Et désormais, le voici au Centre Pompidou, pour l’exposition Cubisme, prêté par le MoMA. Et pointé du doigt par le musée de Rostov Veliki qui accuse ainsi le Centre Pompidou d’exposer un tableau volé.
Mais reste à savoir à qui appartient réellement le tableau. Car on n’est certain que de trois faits : sa vente par Malevitch lui-même en 1920, son transfert de 1922 et son rachat par le MoMA en 1983. Or, il semblerait que, suite à son histoire politique quelque peu mouvementée, la Russie a perdu la trace de nombre de tableaux, entre les années 1940 et 1950, le cubisme étant de surcroît, un courant artistique alors peu prisé. Certaines de ses œuvres ont été purement et simplement détruites, quand d’autres ont été revendues dans des affaires de contrebandes. L’affaire se complique pour Samovar, puisque ce dernier, pendant toutes ces années, était encore exposé sur les murs du musée de Rostov Veliki. Aussi, quand il est censé être vendu simultanément chez Sotheby’s, un doute se fait ressentir : l’un des deux est un faux, mais lequel ? Après une enquête menée en 1991, il semblerait que celui qui est conservé en Russie est une copie et que l’original est bien à New York. Pour le moment, on attend une action du côté russe, car il n’y a eu qu’une plainte déposée par le ministère de la Culture, auprès du procureur général de la Russie. Samovar n’a pas fini de faire parler de lui…