Le Musée Zadkine propose une nouvelle exposition jusqu’au 10 février 2019, consacrée au peintre et sculpteur Ossip Zadkine, L’Instinct de la matière, dans laquelle on comprend le rapport fusionnel que l’artiste avait avec les différents matériaux qui vont constituer son œuvre.
Au Musée Zadkine, situé dans le 6e arrondissement et qu’il faut absolument découvrir si ce n’est déjà fait, se tient une nouvelle exposition consacrée au maître, qui interroge son rapport à la matière et qui révèle certains secrets de création. « Zadkine était un alchimiste avec le bronze », résume ainsi Jérôme Godeau, le commissaire d’exposition et il est vrai que la manière dont Ossip Zadkine travaillait ses futures œuvres a de quoi donner une impression d’une certaine magie, changeant la matière en un chef d’œuvre qui traverse le temps et dont la valeur est de plus en plus estimée sur les marchés d’art.
La matière comme première approche. L’exposition commence par cette matière justement, à laquelle Ossip Zadkine va laisser libre court à son imagination. Et il n’y avait pas que le bronze qui l’inspirait, loin de là. Bois, granit, marbre… de nombreuses sculptures ont éclos d’un bloc informe. « Zadkine était très sensible à la transformation permanente et il réussissait à créer des liens entre la matière et sa métamorphose par la transformation. Il n’y a rien d’immobile chez lui », poursuit Jérôme Godeau. Tant et si bien qu’effectivement, chacune des sculptures présentées, donne une impression de dynamique, de mouvement, ce qui pourrait sembler antinomique. « Ses œuvres nous échappent, car elles ne rentrent pas dans les cadres ». Sans doute est-ce le poids des différentes cultures qui s’imbriquent chez l’artiste : Russe d’origine, il porte en lui une culture juive et orthodoxe, a vécu à Londres, aux Etats-Unis et à Paris… « Tout se mêle dans ses œuvres, créant une alchimie particulière ». C’est ce que l’on retrouve ici dans des sculptures étonnantes, comme Tête héroïque datée de 1909 et qui est composée de trois matières différentes (bois, pierre et terre). Ou La Joueuse de luth de 1918, qui semble surgir de la pierre d’elle-même. Ou encore La Sainte Famille de 1912, en ciment et qui renvoie aux plus pures traditions orthodoxes. « Il y avait chez Zadkine un dialogue entre l’homme et la matière, à travers le geste, avec une perfection du détail. Il s’agissait pour lui, à chaque œuvre, de refaire le geste juste. Chacune est l’expression d’un dialogue, d’un état d’écoute constant qui est reconduit d’œuvre en œuvre », souligne Jérôme Godeau au cours de la visite.
Une connivence avec la matière. La matière est ici respectée, jamais violentée, comme s’il existait une vraie tendresse plastique entre elle et celui qui s’apprête à la travailler. Ce qui donne une certaine harmonie dans les œuvres de Zadkine, conférant une impression de facilité qui ne l’est pourtant aucunement. Ce qui permet d’ailleurs aux spécialistes de reconnaître de fausses œuvres de Zadkine qui fleurissent sur le marché, tant le maître savait donner une justesse confondante à ses sculptures, tant on reconnaît ses œuvres à la structure anatomique des corps qu’elle présente. « Il n’était pas prisonnier d’une orthodoxie plastique ». Il était d’ailleurs capable de faire sortir un corps d’un tronc, dans une alchimie parfaite entre la nature et l’humain, avec des sculptures en bois d’ébène, l’un des bois les plus difficiles à travailler. Ou en bois de chêne, comme pour la sculpture saisissante de plus de deux mètres de haut, Le Prophète, datée de 1914. Toujours est-il que l’exposition témoigne de cette connivence avec la matière d’où semble surgir des figures humaines, le plus souvent féminines, comme la Femme au violon en marbre de 1918, Maternité, en marbre teinté ou encore Rebecca (également intitulée La Grande porteuse d’eau) en plâtre peint de 1927.
Différentes périodes artistiques. Si l’on retrouve de nombreuses aquarelles du maître (ainsi qu’un portrait de lui par son ami Modigliani), c’est la sculpture qui fait la part belle de cette exposition, avec des pièces présentées au public parisien pour la première fois. C’est le cas de l’impressionnant Fauve ou Le Tigre de 1920, en bois doré, d’ordinaire exposé au musée de Grenoble. « Il y a une vraie structure de l’énergie dans cette sculpture avec cet animal qui semble prêt à bondir », précise Jérôme Godeau. L’exposition présente également la période cubiste de l’artiste, avec les œuvres Femme à l’éventail de 1923 ou La Belle servante en pierre calcaire de 1928, mais aussi son goût pour l’Art Nouveau auquel il travaillera avec de grands décorateurs pendant les années 1920 et 1930 (Tête de femme en 1924 ou Tête d’homme en 1922, en bois doré à la feuille d’or).
Dans son atelier. L’exposition se termine dans un lieu unique, l’atelier de l’artiste, lieu de métamorphose de ses œuvres et qu’il qualifiait de « lieu matriciel » ou de « cocon ». Là encore, on y retrouve des sculptures rarement présentées au public, comme Odalisque ou Bayadère, datée de 1932, en bois de hêtre peint, montrant un homme allongé qui fait corps avec sa guitare. Une œuvre extrêmement dynamique dans son immobilisme, preuve encore une fois de l’alchimie de Zadkine sur la matière, quelle qu’elle soit. On retrouve également dans la salle des peintures autour de deux thèmes de prédilection de l’artiste, la femme à l’oiseau et l’oiseau lui-même, représentant pour Zadkine la jeunesse qui est à la fois migrateur et chantre du désir. « L’humain est tragique, il y a de la mélancolie chez lui » disait-il vers la fin de sa vie. Les œuvres ici présentées en semblent l’écho, même si cette mélancolie est magnifiée par des sculptures et peintures au dynamisme flamboyant de jeunesse éternelle.
Musée Zadkine, 100 bis rue d’Assas, 75006 Paris
Du mardi au dimanche, de 10h à 18h.
