Incendies, inondations, attentats… les musées ne sont pas à l’abri d’une dégradation totale ou partielle, comme récemment le musée national de Rio de Janeiro, ravagé par les flammes. Mais des solutions existent pour palier à cela ou tenter de garder une mémoire de ce qui a été perdu.
Le 3 septembre dernier, c’est un cataclysme qui s’est abattu sur le monde de la culture, avec la quasi disparition par les flammes, du musée national de Rio de Janeiro. Le musée fêtait justement cette année ses 200 ans. Un anniversaire balayé par un incendie de grande ampleur qui s’est déclaré en début de soirée, vers 19h30, ravageant des centaines de salles et plusieurs millions d’œuvres et d’objets archéologiques. Le musée abritait en effet des collections inestimables de paléontologie (fossiles rarissimes de dinosaures, plus ancien squelette humain, spécimens d’espèces disparues, herbier riche de 550 000 plantes…), mais aussi d’antiquité. « Toutes les archives historiques, qui étaient conservées dans un secteur intermédiaire du bâtiment, ont été complètement détruites »1, précise le directeur adjoint du musée, Michel Tremer. Ce n’est malheureusement pas le premier musée détruit par les flammes, une inondation ou des attentats, loin s’en faut.
La France n’est pas épargnée. De la Bibliothèque d’Alexandrie (700 000 papyrus et rouleaux envolés en fumée) à la destruction de la bibliothèque nationale de Sarajevo en 1992 (300 000 livres rares brûlés), de nombreux lieux de culture, d’art et de collections, ont été détruits à travers les siècles. Dernièrement, ce sont 200 tableaux de la deuxième moitié du XIXe siècle représentant des scènes maritimes, dont deux appartenant au musée du Louvre, qui ont été détruits au musée de l’île de Tatihou, situé à Saint-Vaast-la-Hougue dans la Manche. Un drame survenu à cause de deux impacts de foudre, à la suite d’un violent orage, dans un des bâtiments faisant office de réserve.
De tels accidents pourraient-ils survenir dans les grands musées nationaux français et parisiens ? La réponse est oui. Le musée du Louvre a lui-même failli être en proie à un grand incendie, pendant la Commune de Paris, en 1871. Pendant ce que l’on qualifie de « Semaine sanglante », soit du 21 au 28 mai, les Communards ont incendié, à renfort de seaux de pétrole, les Tuileries, le Palais d’Orsay, l’Hôtel de Ville… Un des brasiers de la rue de Rivoli a ainsi gagné le pavillon de Marsan, le pavillon de Flore, face au Palais-Royal du Louvre.
Si 80 000 livres partent en fumée dans la Bibliothèque impériale, le musée est sauvé grâce aux actions mises en place par le conservateur Jacques-Juste Barbet de Jouy et le commandant de chasseurs Bernardy de Sigoyer. Mais si ce n’était pas lors de la Commune, cela aurait pu survenir à un tout autre moment, tant le Musée du Louvre manquait d’entretien. Des faits mis au grand jour lors du vol de la Joconde en août 1911, qui révéla à quel point il était facile de s’introduire dans le célèbre musée et d’y provoquer divers. Des incendies auraient pu également être provoqués à tout moment, le personnel vivant dans des combles vétustes et musardés en bois, faisant à manger dans leurs appartements sur des réchauds…
En cas de crue. Mais ce que redoutent le plus les musées parisiens, c’est une crue de la Seine, comme celle de 1910. Un état d’alerte qui a d’ailleurs été lancé en 2017 et 2018, face à la montée des eaux de plus de 5 mètres au-dessus de leur niveau normal. En moins de 48 heures, plus de 35 000 œuvres ont pu être transférées aux étages supérieurs du Louvre, même si cela ne constitue que le quart des œuvres conservées en zone inondable. Un abri sec de stockage est d’ailleurs en cours de construction à Liévin, dans le Pas-de-Calais.
Du côté du musée du Quai Branly, des technologies à la pointe des crues ont été installées : paroi moulée et enfouie sous 30 mètres sous terre et au système poreux qui évite qu’elle puisse céder, structures en argile dans les jardins pour retarder l’avancée de l’eau, système de digues et de parois verticales… Et surtout, quelques 300 000 œuvres dans les réserves qui sont déjà, placées sur des chariots pour des évacuations urgentes. Tout est fait pour que les œuvres les plus rares et importantes soient mises à l’abri dans les étages supérieurs, le plus rapidement possible.
La technologie au secours des musées ? Quand ce ne sont pas les éléments naturels qui détruisent des œuvres d’art, ce sont des hommes, sous bannière terroriste : sites historiques saccagés par Daesh en Syrie, manuscrits datant du XVe siècles détruits à Tombouctou par des groupes islamistes, musée du Bardo à Tunis pris pour cible, sans parler des immenses autodafés opérés par les nazis contre ce qui était considéré comme de l’art dégénéré… C’est alors que la technologie intervient.
L’idée de musée virtuel des œuvres perdues est de plus en plus reprise internationalement, tel le Projet Mossoul qui tente de reconstruire en 3D ou virtuellement, tous les objets qui ont été détruits au musée de Mossoul en 2015, après à un attentat de Daesh. Des œuvres qui ressuscitent, grâce aux photos prises par les visiteurs avant l’attaque et envoyées par mails.
C’est aussi le cas à Rio de Janeiro, avec une entreprise similaire prise par des étudiants en muséologie de l’Université fédérale de l’Etat de Rio, qui ont utilisé les réseaux sociaux pour demander de l’aide, afin de reconstituer virtuellement les collections décimées par l’incendie. Un appel relayé par Wikipedia. Résultats : ils ont reçu plus de 7 000 messages avec photos et vidéos, afin de ne jamais oublier ce que fut ce musée et la richesse des objets et collections qu’il contenait et créer ainsi un « Panthéon virtuel ». Un exemple à suivre.
1 – https://www.franceinter.fr/monde/le-musee-national-de-rio-de-janeiro-detruit-par-un-incendie