Des faux dans les musées ?

Des faux dans les musées ?
Marché

Les visiteurs du musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg imaginent-ils que « la moitié des tableaux accrochés sont des copies », les originaux ayant été discrètement vendus à des collectionneurs étrangers quand l’Union soviétique s’enfonçait dans la crise ? C’est du moins ce qu’affirme en 1993, rongé par un cancer, le célèbre trafiquant d’art Youri Vassilievitch Alekseev, dit « le Bossu », au journaliste Andreï Constantinov.

Même si cette proportion de 50% est sans doute exagérée, il ne fait guère de doute que faux et vrais tableaux sont présentés côte à côte au Musée de l’Hermitage – comme dans tous les autres musées du monde. Le faussaire Guy Ribes, auteur d’une autobiographie et auquel un documentaire a été consacré en 2015, affirme pour sa part que de faux Degas signés de sa main seraient accrochés dans certains musées en Angleterre. Des Chagall aux cimaises de musées français porteraient même ses initiales cachées dans des détails… Plus récemment, c’est le truculent Bill Pallot (représentant de la galerie Aaron, expert en mobilier XVIIIe, professeur à la Sorbonne, Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres, membre de la Compagnie des Experts en ameublement pour la cour d’appel de Paris) qui grâce à l’aide de l’ébéniste Bruno Desnoues est parvenu à vendre pour quelques millions d’euros plusieurs fausses pièces de mobilier au château de Versailles !

Comment les conservateurs du château de Versailles ont-ils pu se laisser berner ? Le talent des deux faussaires suffit-il à l’expliquer ? Ne faut-il pas plutôt y voir l’effet d’un mécanisme psychologique irrépressible : l’envie de croire. Un exemple célèbre est celui du fameux Kouros (une sculpture archaïque de 2 mètres représentant un éphèbe) du J. Paul Getty Museum. Cette sculpture n’a aucune histoire, aucune origine, quand elle est présentée en 1983 au jugement des trustees par le curateur des antiquités grecques et romaines, Jiri Frel. Elle sort opportunément de nulle part, comme pour répondre au désir du Getty d’acquérir une pièce antique d’importance. Le grand historien de l’art Federico Zeri déclare immédiatement qu’il s’agit d’un faux. S’ensuivent pourtant d’innombrables réunions pour discuter l’achat du Kouros, dont le prix baisse à chaque rencontre avec le vendeur (un Sicilien vivant à Bâle dont on perd vite la trace), passant de 12 à 9 millions de dollars. Prix auquel il est finalement acheté en 1985 ! Le J. Paul Getty Museum se dote ainsi de ce qui est vraisemblablement un des faux les plus chers de monde. On peut en apprécier les incohérences et les anachronismes stylistiques à Malibu, où il est toujours présenté, la direction du musée n’ayant jamais officiellement reconnu la supercherie.

Que cependant les visiteurs des grands musées se rassurent : la plupart des faux sont aujourd’hui chez des particuliers. Moins bien informés et accompagnés, souvent plus pressés, ceux-ci achètent avec moins de discernement. Les successions à venir promettent de faire bien des déçus.