Bien caché dans une rue sans charme, le Consortium de Dijon est l’une des plus secrètes parmi les grandes institutions d’art contemporain. Pourtant, le prestigieux bâtiment de Shigeru Ban accolé à une ancienne manufacture pleine de charme abrite des expositions aussi ambitieuses que novatrices.
Pour l’heure, le Consortium accueille sa troisième biennale, « Almanach 18 ». Les organisateurs ont souhaité libérer les commissaires de toute contrainte en n’imposant aucun thème. Le visiteur, cependant, n’a pas de mal à trouver dans la couleur un trait commun fédérant la plupart des présentations monographiques. C’est un peu inattendu, et bienvenu aussi : l’art contemporain, au Consortium, se fait chaleureux – même si la grande photo signée Baudrillard qui ouvre le parcours invite d’emblée à ne rien prendre au premier degré.
Deux des nombreux artistes exposés appartiennent désormais à l’histoire : Mati Klarwein (1932-2002) et Salvo (1947-2015). Le premier est une figure extraordinaire : connu pour quelques pochettes de disques illustres, il a mené par ailleurs un splendide travail de peintre, entre grands polyptiques mythologiques sortis tout droit de la mystique un peu confuse des seventies, magnifiques paysages arides et parfaits portraits ou autoportraits, dont on découvre la qualité avec stupeur. Salvo est le point d’orgue coloré de cette biennale colorée : peintre de paysages lui aussi, il ramène la nature à des agencements de formes simples et vigoureusement chromatiques qui séduisent au premier coup d’œil.
Pour vivants et actifs que soient tous les autres créateurs d’Almanach 18, ils travaillent également sur l’héritage des arts mondiaux, en un riche échange entre tradition et contemporanéité. Il est impossible de les citer tous. Yann Gerstberger, jeune artiste français installé à Mexico, joue avec des motifs débordants de sève dans de « fausses tapisseries » traitées en collage de fibres et associées à de grands dessins muraux à la craie : l’impression d’énergie est saisissante. Genieve Figgis, peintre irlandaise, détourne les fêtes galantes des Lumières en des toiles drôles et brillantes. Nathalie Du Pasquier est une figure bien connue du design, installée à Milan depuis les années 1980. Elle investit un espace ouvert et lumineux où murs peints et solides aux formes variées se répondent. Enfin, un grand nom de Düsseldorf, Thomas Schütte, bénéficie d’une vaste halle pour montrer son travail de longue haleine sur la figure humaine. Sculptures monumentales et dessins (admirables) dialoguent, entre perfection et distorsion. Tout cela vaut bien une escapade d’automne à Dijon !
Le Consortium – 37 rue de Longvic – Dijon.
Copyright photo de couverture : Nathalie Du Pasquier, « Salle des fêtes », 2018 par André Morin pour le Consortium Museum