Chaînon manquant entre le passé et le présent et entre le présent et le futur, l’exposition Copenhagen Creatives invite à s’interroger sur sa propre conception de l’art au travers d’œuvres situées aux frontières du virtuel.
Avenue des Champs-Elysées. Entre deux enseignes, en toute discrétion, se tient la Maison du Danemark, lieu de culture et d’événements tourné vers l’international depuis 1955 et qui vise à montrer toute l’étendue des talents du Danemark, que ce soit dans le domaine artistique ou industriel. Le 7 septembre dernier, se tenait, au deuxième étage, le vernissage de sa toute nouvelle exposition, Copenhagen Creatives, qui mêle art contemporain, nouvelles technologies et numérique. On y converse en français, répond en anglais ou en danois ou bien l’inverse. L’universalité est de mise, de même que les œuvres. On est tour à tour circonspect, curieux, intéressé, étonné devant celles-ci, particulièrement ancrées dans le XXIe siècle.
Un pont entre le passé et le présent. Huit artistes de la nouvelle scène danoise, chacun dans leur domaine respectif, proposent des créations originales, tantôt faites de sons et d’images, de performances et de graphisme, de peinture numérique ou d’ébénisterie. Leur objectif ? Bousculer les frontières créatives, tout en permettant à tous de s’y retrouver. Et si on s’interroge devant chacune de ces œuvres, quant au comment du pourquoi, c’est que c’est déjà gagné.
Du tangible au plus difficile à appréhender, commençons par le Sportsman de Mikas Emil. Basé à Copenhague, l’artiste a l’habitude des expositions internationales, lui dont les œuvres ont déjà été présentées à New York ou à Sydney. Pour Paris, ce sont deux de ses plus récents travaux qui sont montrés au public. Tout d’abord le Sportsman, donc, relecture de la statue grecque de Myron, Le Discobole. Ici, point d’athlétisme, mais un homme gras, dont les pectoraux semblent fondre de tous côtés et dont la tête penchée est enfermée dans un casque de réalité augmentée, signe des temps où l’on préfère se plonger dans le virtuel que le concret, où le sédentarisme et la paresse succèdent à l’effort. Son œuvre murale quant à elle, Corian, elle s’inspire d’une rivière africaine, dont les méandres en relief donnent l’impression d’un visage déstructuré.
Peinture et sculpture toujours avec Oskar Koliander qui présente une œuvre étonnante, Recalcitrant, inspirée du programme de réaménagement urbain du baron Haussmann. Composée de trois peintures (représentant chacune une voie parisienne, l’avenue de Friedland, les rues de Rennes et Turbigo) et d’une sculpture (la rue de La Fayette), l’œuvre reflète le Paris ancien et nouveau, avec marquage au sol et objets symbolisant la résistance (celle du passé contre l’avenir) rajoutés par un procédé de fusion.
Dès lors, tout se mélange, les techniques artisanales d’antan aux technologies de maintenant, comme pour les œuvres de Carl Krull qui veulent dépasser les limites de tout travail créatif : encre et crayon sur papier pour Olmec et Omicron (datées entre 2014 et 2015), aux sinuosités qui évoquent un dédale inextricable (celui de l’esprit de l’artiste ? du spectateur ?) ; et sculpture réalisée à partir d’une planche de contreplaqué découpée au laser, Celestial, réalisée cette année.
Quand le virtuel s’empare du réel. Dès lors, c’est dans le présent et le futur que l’exposition s’appréhende. Peinture numérique et bouclier de caoutchouc (Tripple) pour Lotte Rose Kjaer Skau, symbolisant l’utilisation de la machine par l’humain ou mise en abyme avec Benjamin Nordsmark avec Comfortable Captivity, une cage à oiseau douillette et suspendue, qui contient un double de l’artiste en autoportrait entièrement réalisé à partir d’une imprimante 3D.
Au visiteur de pénétrer dans l’œuvre, d’être lui-même artiste (involontaire), en participant à diverses expériences sensorielles, comme autant de preuves que l’art du futur peut être infini et multiple. Nana Lysholt Hansen en est l’une des instigatrices, avec Dear Daughter/Anatomy of the « Chthulucence », une œuvre qui explore à la fois la voix, le corps et les technologies. Elle combine un discours de la biologiste Helen O’Connell qui y fait des descriptions anatomiques sur le clitoris, des projections avec casques en adéquation avec ce thème de la sexualité féminine, du corps à la maternité, en passant par l’accouchement.
Tout aussi interactive, les œuvres des musiciennes et designers Louise Foo et Martha Skou, Format 3 Wallpaper et Transatlantic Duet, qui nécessitent au préalable le téléchargement de l’application « Format 3 ». Un casque sur les oreilles, des figures géométriques qui forment un alphabet de symboles sonores et qui se changent en éléments (terre, eau, feu), quand on passe son portable devant elles.
L’apothéose du spectateur/acteur se fait avec Be your own God in this reality du collectif Makropol. Sous la forme d’un terrain de golf miniature et un club à la main relié à un casque de virtualité réelle, l’objectif n’est pas ici de mettre une balle imaginaire dans un trou bien réel. Mais de s’éveiller en pleine conscience à la lumière, source d’éveil à la transformation, qui invite à aller au-delà de soi et des apparences…
La Maison du Danemark n’a pas fini d’intriguer avec cette nouvelle exposition, à découvrir jusqu’au 7 octobre.
Maison du Danemark
142 avenue des Champs-Elysées 75008 Paris
www.maisondudanemark.dk/
Horaires : du mardi au vendredi de 13h à 19h. Les samedis et dimanches de 13h à 18h.
Entrée libre.